Raconte-moi la radio
L'émetteur
La tour Eiffel
La Tour Eiffel a servi très tôt de point haut pour des expériences de TSF.
L'histoire remonte aux travaux du Général FERRIE qui réalisa, en 1903, les premières liaisons expérimentales entre le poste de Meudon à Paris et les places-fortes de l'Est de la France distantes de 350 Km.
Il débuta ses essais en employant les grands ballons de l'aérostation militaire pour déployer des antennes de 300 à 400 mètres de longueur.
Mais FERRIE cherchait un point haut pour fixer à demeure une grande antenne en région parisienne.
En décembre 1903, Gustave Eiffel lui fait l'offre d'utiliser sa Tour comme support d'antenne et le capitaine FERRIE reçoit rapidement l'autorisation de construire une première installation expérimentale militaire basée sur le Champ de Mars.
Cette première antenne était érigée parallèlement la Seine.
FERRIE installera en 1908 une antenne plus imposante qui permettra aux armées alliés de communiquer durant toute la Grande Guerre.
Cette deuxième antenne était orientée perpendiculairement à la Seine et la station de radio était enterrée sous le Champ de Mars de façon à atténuer le bruit de l'émetteur à étincelles qui génait les riverains du Champ de Mars.
Par cette initiative, Ferrié a sans doute sauvé la Tour Eiffel de la destruction.
Sans cette utilisation et l'appui personnel de Gustave EIFFEL, la tour aurait sûrement été démontée conformément au souhait de la Ville de PARIS qui voulait récupérer le site pour aménager un jardin public.
Croquis de l'antenne installée au Champ de Mars
en août 1909
Installation démontée vers 1925.
Cliquer sur l'image pour l'agrandir
Cette carte postale datée de 1912 montre la sommet de la tour et l'attache supérieure des antennes de la télégraphie sans fil, suivant la terminologie de l'époque.
René BARTHELEMY (1889-1954) plus connu pour ses travaux sur la télévision participa à la réalisation de ces installations.
Depuis les premiers essais menés en 1903 par le capitaine Ferrié et le lieutenant Brenot à partir de la plate-forme de la tour Eiffel, de nombreux progrès ont été réalisés tant sur la partie émetteur que sur les antennes.
En 1905, l'affaire d'Algésiras va donner un élan nouveau à la télégraphie militaire.
Un poste est installé en 5 jours à Belfort pour établir une liaison avec l'Espagne.
Convaincues de l'intérêt stratégique de la Télégraphie sans Fil, les Autorités de l'époque vont créer la Commission Centrale de TSF qui aura pour mission de coordonner toutes les actions nécessaires au développement de la T.S.F. en France, au niveau des différents Ministères.
La Grande antenne de la Tour Eiffel
Chromo éditée par le Chocolat d'AIGUEBELLE - DONZERE Drôme
Vers 1930
Siègeront dans cette Commission Centrale les plus grands experts. On y retrouvera le Général FERRIE de l'Armée de Terre bien sûr, mais aussi des experts comme le Capitaine de Vaisseau GASCHARD, Camille TISSOT ainsi que Victor COLIN et Maurice JEANCE, eux-mêmes anciens élèves de Camille TISSOT à l'Ecole Supérieure d'Electricité.
Au cours de l'année 1908, Victor COLIN et Maurice JEANCE ont pour objectif de mettent au point avec la CGR de nouveaux matériels de téléphonie sans fil.
C'est pendant cette période qu'ils réaliseront une liaison entre la Tour Eiffel et la station de la Pointe du Raz distante de 528 Km, liaison qui sera un premier record de distance en France.
A partir de 1906, on peut considérer que le réseau radiotélégraphique est opérationnel entre la tour Eiffel et les grandes places de l'Est, même si les technologies restent en évolution constante.
Verdun, Toul, Belfort et Epinal sont en liaison sans fil permanente avec l'Etat-Major à Paris.
La stations militaire de la Tour Eiffel, comme les stations de Maubeuge, Verdun, Toul, Epinal et Belfort sont équipées d'émetteurs à étincelles rares alimentés en courant alternatif.
Une partie du matériel commandé par le ministère de la Défense (on disait de la guerre à l'époque) a été fourni par la Société SACM (Société Alsacienne de Construction Mécanique).
Cette Société est encore actuellement un leader européen dans le domaine de la construction de moteurs diesels de traction et de fabrication de groupes électrogènes.
Les signaux produits par les différents types d'émetteurs à étincelles utilisés à cette époque, se traduisaient dans les écouteurs du casque téléphonique par un crépitement, de fréquence très basse, nullement agréable à entendre.
Pendant les nuits d'émission, l'antenne de la Tour Eiffel est visible sous l'effet des hautes tensions qui entourent chaque fil d'une gaine luminescente. (Cliché Gimpel communiqué par l'illustration et recolorisé)
Des émetteurs de 15 à 20 kW ne tardent pas à être mis en service. Leur portée, de jour, atteint 1500 km.
En 1908, De Forest procède à des essais de téléphonie.
En 1909, la Tour Eiffel , travaille avec un émetteur à étincelles rares (600 par secondes), sous une puissance de 20 kW.
En 1910 elle émet avec une puissance de 20 à 60 kW, les signaux horaires sur 2600 m. (soit 115 kHz).
En 1913, la puissance est portée à 30 kW et en octobre 1914 à 150 kW avec un émetteur à étincelles rares (600 par secondes) sur 2600 m.
En 1914, la Tour fête Sainte-Catherine. La presse ne peut manquer quelques articles sur les 25 ans de la Grande Dame.
En 1917 l’émetteur à arc a une puissance de 150 kW, sur 8000 m et un alternateur Haute Fréquence de 20 kW de puissance est installé.
Le Grand alternateur du poste de la Tour Eiffel
(Cl. S.F.R.)
A partir du 16 février 1922, la Tour émet sur une "longueur d'onde" entretenues de 2.650 mètres. La puissance initiale de 1 kW sera portée à 8 kW en 1923.
Un émetteur à une seule lampe "démontable pour réparation" de type HOLWECK est expérimenté à partir de mai 1923 (5000 V de tension plaque).
Tous les jours vers 16 h 30, un sapeur du Génie en uniforme, installé dans les locaux souterrains du Champ de Mars, annonce : " Allo ! Allo ! Ici poste militaire de la Tour Eiffel... " puis il donne lecture d'un bulletin de la Météorologie Nationale destiné principalement aux Agriculteurs.
Suivent les Cours de la Bourse et des matières agricoles. Des artistes bénévoles, musiciens ou comédiens organisent des émissions dites "Radio-Concerts".
Les plus célèbres sont Sacha Guitry et Yvonne Printemps.
A partir de 1924, Maurice Privat, le premier au monde, diffuse le "Journal parlé" et des chroniques.
Centenaire de la Tour Eiffel
Oeuvre originale de DETE
Club des créateurs et cartophiles contemporains - Paris
Dans son livre de vulgarisation "TSF et téléphone sans fil chez soi", J. BRUN écrivait en 1922 :
" Les Radio-concerts de la Tour Eiffel, organisés dans les premiers mois de 1922, ont provoqué dès le début un vif mouvement de curiosité parmi les amateurs. Cette curiosité deviendra de l'enthousiasme quand le nouveau radiophone en cours d'installation permettra à notre grand poste national d'être entendu sur galène dans toute la France."
Depuis cette date, la Tour n'a cessé de servir de support à des émetteurs de radio-diffusion, télévision et téléphonie en tout genre.
Depuis 1963, La Maison de la RADIO, à deux pas de la Tour Eiffel, héberge les studios de la radio-télévision française publique.
Maison de la RADIO
Edition de la Collection générale de la Monnaie - M 2251 - Diamètre 68 mm
Sources :
- La télégraphie sans fil de L. FOURNIER - Edition de 1912
- Bulletin du CHCR N° 20 - 4ème trimestre 1998
- Encyclopédie par l'image - LA TSF - Librairie Hachette - vers 1925