Mon père avait été chargé
de remettre en état, puis en fonction le sanatorium d’Angicourt,
situé dans l’Oise, à 60 km au nord de Paris.
Monsieur W, un compagnon du service entretien du sanatorium, avait pris en affection
le gamin de 10 ans que j’étais.
« Cela se passait en 1921, et la T.S.F. commençait à être dans l’air du temps et à occuper pas mal les esprits. Je ne sais pas qui m’a parlé le premier de la T.S.F.. Peut-être étais-je déjà alerté ?
Mais, un jour, Monsieur W me dît :
« On m’a donné un détecteur à
galène. Si tu veux, je t’en fais cadeau, et si ton papa le permet,
je t’installerai une antenne au dessus du jardinet qui touche au bâtiment
où tu habites. »
On imaginera sans peine l’enthousiasme avec lequel fut accueillie cette
proposition. Mon père dut donner facilement son accord, je pense.
L’antenne
Commençons par l’édification de l’antenne : elle
se composait de deux barres de bois munies de poulies en porcelaine comme isolateurs,
et entre lesquelles étaient tendus quatre fils en bronze phosphoreux
qui était la matière normale pour les lignes téléphoniques.
Une des barres de bois fut fixée près du mur à la hauteur
de la seule fenêtre du premier étage donnant sur ce jardinet et
c’était la fenêtre des WC !. Et l’autre barre
fut attachée plus bas de l’autre coté du jardinet sur la
clôture sud de ce petit jardin. On avait donc une antenne en nappe, de
quatre brins.
Il se trouvait qu’elle était tournée vers Paris au sommet
d’une colline, ce qui ne pouvait qu’être favorable, bien sûr.
La descente d’antenne, qui était plutôt une montée,
passait par la fenêtre des W-C, parvenait dans ma chambre, et la prise
de terre était faite par une jonction sur l’arrivée d’eau
des W-C. Ces deux fils arrivaient sur un coin du tableau de charge mentionné
plus haut.
Le premier récepteur
Tout était à pied d’oeuvre et, pour se connecter, monsieur
W avait imaginé un système de prises qu’il avait formées
dans du laiton. Ces prises étaient très pratiques, et elles étaient
presque hermaphrodites comme les prises d’un certain matériel UHF
que j’ai utilisé beaucoup plus tard. L’antenne et la terre
étant installées, il m’apporta le détecteur. Combien
je regrette de n’avoir pas conservé ce monstre qui était
énorme et aussi mal commode que possible. Ce n’était pas
mauvais qu’il soit énorme, car il constituait à lui tout
seul le « poste » récepteur étant donné
qu’il n’y avait aucun dispositif d’accord, simplement l’antenne
était réunie à un pôle du détecteur, la terre
à l’autre et un écouteur était branché sur
ces mêmes bornes. C’était tout, il n’y avait rien d’autre.
Il était donc bon que le détecteur soit gros et lourd, pour tenir
à peu près sur une table malgré les fils qui le tiraient
de toutes parts.
Je ne me rappelle pas si une galène m’avait été fournie
en même temps que cet énorme engin, ou s’il avait fallu aller
l’acheter chez le bijoutier de Liancourt, qui s’était mis
à la page et vendait des cristaux de galène.
Restait la question délicate de l’écouteur, mais elle se
résolut très facilement, car il y avait, dans la maison, un téléphone
intérieur qui devait réunir, je pense, le bureau de mon père
à l’appartement. Ce téléphone ne servait jamais.
Et, il ne tarda pas à être dépouillé de son écouteur
que j’allais brancher sur les deux bornes du fameux détecteur.
Et, le jour même où cette installation fut terminée, on
entendit très distinctement les signaux de la tour Eiffel. Mon père
fut rempli de stupeur de voir qu’un dispositif aussi rudimentaire puisse
assurer la réception de signaux qui venaient de plus de soixante kilomètres.
Bien entendu, personne ne connaissait l’alphabet morse, mais nous écoutions
cette musique avec ravissement. ( J’ai appris plus tard, qu’à
cette époque, l’émetteur de la tour Eiffel utilisait un
dispositif dit à étincelles musicales avec six cent trains d’ondes
par seconde ; la note était donc un 600 Hz avec beaucoup d’harmoniques
.)
Assez rapidement, nous identifiames les signaux horaires qui étaient
transmis, si je me rappelle bien, le matin vers onze heures, et qui étaient
facilement reconnaissables. Le reste, ma foi, c’était du Morse,
incompréhensible, mais dont la musique mystérieuse m’enchantait... »
Court extrait du recueil de souvenirs, une des composantes du site de Jacques Riethmüller :
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