Raconte-moi la radio

La T.S.F.

Son histoire

Le développement de la TSF est l'aboutissement d'un long processus où se consolident les théories fondamentales de la physique et les expérimentations de quelques ingénieurs d'exception.

Galeno Loupe

Galeno, la mascotte du site, va se faire un plaisir de vous expliquer tout cela et va vous accompagner tout au long de la visite.

L'histoire commence dès la fin du 17ième siècle, à une époque où les savants cherchent à expliquer le mystère de l'univers et à caractériser la lumière.

La science d'alors s'intéresse beaucoup à l'astronomie et à l'optique ...

Ma loupe ! Vite, ma loupe ! J'ai un ciron dans le collimateur.
Machine électrostatique

... mais quelques chercheurs mènent déjà des expériences sur le magnétisme.

Les premières machines permettent de réaliser les expériences d'électrostatique de base et de se familiariser avec des phénomènes nouveaux et assez spectaculaires tels les décharges disruptives, les vents électriques et l'ionisation des gaz par la flamme.

Le médecin et physicien anglais William GILBERT (1544-1603), premier médecin du couple royal d'Angleterre est le premier à émettre l'idée que la terre est un gigantesque aimant et que les corps se distinguent entre isolants (idioélectriques) et conducteurs (anélectriques).

Il consigne ses recherches dans son livre "De l'Art magnétique" dont le titre même montre bien que nous sommes encore au tout début du développement des sciences exactes.

Dans le domaine de l'optique, la structure corpusculaire de la lumière qui repose sur une vision ancienne ne peut expliquer les phénomènes telle que la diffraction et la polarisation.

Newton

Les travaux d'Isaac NEWTON (1642-1727), en particulier ses analyses sur la décomposition de la lumière blanche par un prisme, contribuent à faire évoluer la connaissance fondamentale et amorcent le déclin des théories corpusculaires.

Voltaire, newtonien engagé, fait connaître en France ce grand savant et rédige en 1756 la préface de la traduction des Principa, oeuvre majeure de Newton, travail remarquable de la marquise du Châtelet en collaboration avec le mathématicien Alexis Claude CLAIRAUT (1713-1765) proche de Pierre Louis Moreau de MAUPERTUIS (1698-1759), autre grand défenseur de Newton et ami des BERNOULLI .

Il faudra une cinquantaine d'années pour que les savants français, enfermés dans un cartésianisme dogmatique, admettent l'idée d'une action à distance des corps entre eux et contribuent largement à développer cette nouvelle théorie.

Certes, la radio n'est pas encore née, mais l'idée que des actions physique puissent exister au travers d'un éther vide de tout matériau est sans nul doute, une révolution capitale.

Il convient de noter la contribution remarquables de nombreux savants à l'adoption de ces idées novatrices, et en particulier de LAGRANGE qui réunit dans sa Maison d'Arcueil, le gratin des physiciens de l'époque pour discourir sur les bases fondamentales de la physique et des mathématiques modernes. Dans ce brassages d'idées nouvelles se côtoient des gens illustres comme GAY-LUSSAC, HUMBOLT, BERTHOLLET élève de Lavoisier, Jean-Baptiste BIOT, Etienne Louis MALUS et bien d'autres savants polyvalents à la fois chimistes physiciens astronomes et mathématiciens.

Dans cette fin du XVIIIième siècle, la Révolution n'est pas uniquement dans la rue, elle est aussi dans les têtes !

L'idée d'une nécessaire collaboration scientifique est née.

La Société d'Arcueil est le premier essai d'une science expérimentale qui ne soit plus une science solitaire (Les Cahiers de Science &Vie - Novembre 2001).

Huigens

Dès 1690, Christian HUYGENS (1629-1695) physicien, mathématicien et astronome hollandais dans son traité de la lumière avait été sans doute un des premiers à émettre une théorie ondulatoire de la lumière.

Charles COULOMB (1736-1806) rédige à l'aube de la révolution française 7 mémoires dans lesquels il établit les bases expérimentales et théoriques du magnétisme et de l'électrostatique.

Il est avec Henry CAVENDISH (1731-1810) physicien et chimiste britannique, créateur de l'électrostatique quantitative.

Vers 1750, le physicien anglais John CANTON étudie l'induction électrostatique. Les conclusions de ses travaux remettent en cause les théories électriques de l'époque (modèles à un ou deux fluides) qui exigent un transfert de fluides électriques.

On commence à admettre la possibilité d'avoir des phénomènes physiques entre deux corps sans contact direct.

Fresnel

Augustin FRESNEL (1788-1827) montre que la théorie newtonienne de l'émission ne peut rendre compte de nombreux phénomènes.

Ses recherches avec François ARAGO (1786-1853) et Léon FOUCAULT (1819-1868) conduisent à émettre la théorie ondulatoire de la lumière (vers 1820) qui s'appliquera ultérieurement aux autres rayonnements électromagnétiques.

Joseph FOURIER (1768-1830), le père de la physique mathématique, développe de nouveaux outils mathématiques (séries et transformées "de Fourier") qui vont aider les nouveaux physiciens à comprendre et décrire les phénomènes observés.

Volta

On ne peut passer sous silence les travaux de Claude CHAPPE (1763 - 1805) pour établir les premières lignes du télégraphe aérien qui permettront un premier progrès dans la vitesse de transmission d'informations sur longue distance. N'est-on pas déjà entré dans le domaine du "sans fil" ?

Les découvertes scientifiques vont s'accélérer à partir du début du 19ième siècle.

Alessandro VOLTA (1745-1827) ayant compris l'importance des travaux de Luigi GALVANI (1737-1798) invente, vers 1800, la pile électrique.

Christian OERSTED (1777-1851), physicien danois, au terme d'une longue série d'expériences réalisés de 1807 à 1820, démontre qu'une aiguille aimantée placée à proximité d'un conducteur électrique est déviée de sa position d'équilibre dans un sens qui dépend du sens du courant.

Ses travaux sont vites reconnus des savants de son époque, en particulier des savants français, et ARAGO vers 1820 réalise l'aimantation du fer au moyen d'un courant électrique.

1820

Cette année là restera incontestablement la date clé de l'évolution de la physique dans le domaine de l'électromagnétisme ...
.... et le point de départ de l'invention de la radio.

Jean-Baptiste BIOT (1774-1862) et Félix SAVART (1791-1841), physiciens français, déterminent en 1820, la valeur du champ magnétique engendré par un courant électrique et donne la loi qui régit le phénomène (loi de BIOT et SAVART).

En allemagne, Johann SCHWEIGGER (1779-1857) construit un multiplicateur qui constitue un premier galvanomètre.

De son coté, en France, Claude POUILLET (1790-1868) invente la "boussole des tangentes".

Il appuie les travaux d'OHM et confirmera en 1834 la loi qui porte son nom.

André Ampère (Musée de Poleymieux-au-Mont-d'Or)

A la même époque, André-Marie AMPERE (1775-1836), physicien français, développe la théorie de l'électromagnétisme.

Il imagine le galvanomètre et invente avec ARAGO l'électro-aimant, base du télégraphe électrique.

Il invente le nom solénoïde pour désigner la bobine rectiligne (étymologiquement "en forme de tuyau").

L'électro-aimant sera perfectionné en Angleterre par William STURGEON  vers 1821.

Georg Simon OHM (1789-1854), physicien allemand, découvre vers 1827 les lois fondamentales des courants électriques et définit les concepts de résistance et de résistivité.


V = R x I

Champs magnétique autour d'un aimant

En 1831, Michael FARADAY (1791-1867), anglais, émet l'hypothèse de l'existence de champ de forces électriques, magnétiques ou gravitationnelles entre les objets séparés.

Il décrit l'induction électromagnétique qui permet la conversion du magnétisme en électricité.

Il invente le premier moteur électrique.

Il s'intéresse à la même époque à la décharge électrique dans les gaz raréfiés et met en évidence les phénomènes d'ionisation.

Expérience sur l'induction


Joseph HENRY (1797-1878), physicien américain, perfectionne l'électroaimant et établit une ligne télégraphique de un mille en 1831.

Bobine de Ruhmkorff

A la suite de ses travaux sur le télégraphe, il découvre en 1832 le phénomène d'auto-induction.

Il observe la transmission à distance par induction d'impulsions électriques produites par de puissantes étincelles.

Il parvient à aimanter une aiguille d'acier placé à 10m de son générateur d'étincelles.


Heinrich Daniel RUHMKORFF 1809-1877), mécanicien et électricien allemand, invente la bobine d'induction qui porte son nom.

Le chromo ci-contre rappelle le principe de fonctionnement de cet appareil mis au point vers 1850 à partir de prototypes réalisés quelques années plus tôt par le physicien Antoine Masson.


Heinrich LENZ (1804-1865) physicien russe d'origine allemande, publie en 1833, la loi donnant le sens des courants induits (loi de Lenz).


Une étape importante vers la T.S.F. est franchie.


Télégraphe Morse

En 1832 aux Etats Unis, Samuel MORSE (1791-1872) invente le télégraphe et le fameux "code morse" qui servira plus tard à réaliser les premières liaisons radio.

En 1855, le britannique David E. HUGHES (1831-1900) ajoute le stylet graveur qui permet d'enregistrer les signaux sur une bande de papier et rend l'appareil beaucoup plus opérationnel.

N'oublions pas le rôle important de la clé morse qui est à la base de la transmission des signaux du télégraphe.

Un des premiers pas vers la Télégraphie Sans Fil est sans doute la mise en évidence des possibilités d'utiliser la terre comme ligne de retour pour le télégraphe.

Suite aux travaux de Carl August von STEINHEIL (1801-1870), physicien allemand, qui établit le premier télégraphe public entre Nuremberg et Fürth vers 1838, la possibilité de liaison télégraphique avec un seul fil sur de longues distances fut confirmée et MORSE dès 1842 installera aux Etats-Unis les premières lignes unifilaires.

Entre 1844 et 1846 les premières ligne télégraphiques sont installées le long des lignes de chemin de fer en France, Belgique, Allemagne et aux Pays-Bas.

La Montreal Telegraph Company, la première compagnie télégraphique du Canada est crée en 1847. Elle relie Trois-Rivières à Toronto via Montréal.

Mais les phénomènes d'induction électrique continuent à passionner de nombreux savants, médecins et chercheurs.

Vers 1854, James Bowman LINDSAY (1799-1862) électricien écossais fait breveté un système de télégraphie sans fil en utilisant l'eau comme conducteur.

La mise au point de bobines de RUHMKORFF de plus en plus puissantes permet une expérimentation de plus en plus poussée et devient un instrument indispensable des laboratoires de physiques dignes de ce nom.

De grands laboratoires d'expérimentation sont construits en Europe et aux Etats Unis.

Feddersen

En 1858 Wilhelm FEDDERSEN (1832-1918), physicien allemand professeur à LEIPZIG démontre expérimentalement que les étincelles éclatant entre les boules d'une bobine de RUHMKORFF pouvaient être oscillantes et qu'elles devaient donner naissance à des ondes électriques de grandes longueurs.

Il utilise en 1861 le miroir tournant imaginé par Charles WHEATSTONE (1802-1875) physicien britannique, pour fixer le phénomène sur une plaque photographique.

ondes amorties au secondaire d'une bobine

La propagation de ces ondes, comme celle de la lumière, devait se faire dans toutes les directions.

On voit, sur le dessin ci-dessus, la forme des oscillations produites et leur amortissement rapide qui intrigua beaucoup Helmholtz.

Mais la portée de son observation restera à l'époque très réduite.

Maxwel

En 1864 James MAXWELL (1831-1879), inspiré par les travaux de FARADAY, établit dans sa fameuse théorie électromagnétique de la lumière, le lien entre les phénomènes électriques et magnétiques.

Il consolide une théorique sur laquelle s'appuiera HERTZ (1857-1894) pour découvrir les ondes qui portent son nom.

Mais la théorie de MAXWELL est complexe et sa présentation mathématique difficile à comprendre.

George FRITZGERARD

Elle n'aurait sans doute pas été acceptée aussi rapidement par la communauté scientifiques de son époque sans le soutien d'un certain nombre de physiciens éclairés.

Parmi les meilleurs avocats de MAXWELL, il convient de citer Georges Francis (1851-1901).

Professeur au Trinity College de Dublin,  il a sans doute, par sa Presidential Adress to the mathematical and Physical Section of the British Association for the Advencement of Science, en 1886, fortement contribué à la reconnaissance des travaux de MAXWELL et de HERTZ et plus tard de chercheurs comme Oliver LODGE qui ont cru en lui.

FRITZGERARD, dès 1882, dans son rapport à la Royal Dublin Society, On the Possibility of Originating Wave Disturbances in the Ether by Means of Electrical Forces, avait le sentiment qu'il ne manquait plus que la réalisation d'un appareil générateur d'ondes électromagnétique de puissance pour convaincre l'ensemble de la communauté scientifique du caractère révolutionnaire de la théorie de MAXWELL.


Vers 1866, l'américain Mahlon LOOMIS (1826-1886) expérimente un système de transmission de signaux électriques dans l'atmosphère à partir de 2 cerfs-volants comportant un réseau de fils de cuivres reliés à un galvanomètre et distants de 22 km.

La TSF est en marche !

Nous parlons ici de Télégraphie Sans Fil et pas de radiophonie

Le transport de la voix humaine sans fil est encore, à cette époque, une utopie.

Il faudra toutefois attendre les travaux de LORENZ (1853-1928), physicien hollandais, prix Nobel en 1902 avec Pieter ZEEMAN, pour faire la synthèse de ces découvertes et donner une théorie électronique de la matière.

Lorenz

La théorie microscopique de la matière de LORENZ qui se raccorde à la théorie macroscopique de MAXWELL, va expliquer un grand nombre de phénomènes comme la conductibilité électrique des métaux, la dispersion chromatique de la lumière ou l'influence des champs magnétiques sur la dispersion des raies émises par des sources et par la même donner une vision nouvelle de l'éther.

Thomas EDISON (coll. Viollet)

Progressivement l'homme passe d'une vision mécanistique de son environnement à une vision électronique de la matière dans laquelle la masse et le temps ne seront que déplacement de quantum d'énergie.

EINSTEIN arrive avec sa théorie de la relativité (1905) qui va bouleverser les données de la science et donner naissance à la physique moderne.

Mais les théories ne seraient rien sans l'ingéniosité des inventeurs et des expérimentateurs

Thomas Alva EDISON (1847-1931), inventeur américain, met au point la lampe à incandescence (1878) et observe l'émission thermo-ionique (1881).

En 1878, David Edward HUGHES  invente le microphone.

Quelques années plus tard, vers 1888, Nikola TESLA conçoit le premier système opérationnel de génération et de transmission de courant alternatif pour les réseaux d'électricité.

A partir de 1890 Edouard BRANLY (1844-1940) professeur à l'Institut Catholique de Paris s'intéresse aux expériences de Hertz.

Recepteur à cohereur

En 1890, il met au point un "tube radioconducteur" qui peut servir de récepteur à un oscillateur de Hertz.

La photo ci-contre montre le premier "récepteur" conçu par Branly.

Le radioconducteur est à gauche de l'image. Il est monté en série avec une pile et un galvanomètre.

Au repos l'aiguille est à zéro.

Sous l'effet d'une perturbation électromagnétique (étincelle), l'aiguille dévie.

Un choc sur le radioconducteur et le galvanomètre revient à zéro.

En Italie, Augusto RIGHI, professeur de physique à Bologne s'intéresse, lui aussi, aux ondes électromagnétiques et refait les expériences de Hertz à l'aide d'un oscillateur modifié.

Sir Oliver LODGE (1851-1940), britannique, professeur à l'université de Liverpool reprend en 1894 les travaux de Hertz et Branly. Il perfectionne le radioconducteur de Branly et lui associe un dispositif qui le remet en état de repos par un choc mécanique.

En 1894 LODGE fait fonctionner sur environ 30m un appareil de télégraphie hertzienne dans un but pédagogique, sans entrevoir l'importance de sa découverte. A partir de ce moment les choses vont aller très vite.

La même année, Albert TURPAIN (1867-1952) physicien français, réalise à BORDEAUX la première expérience de radio télégraphie.

Alexandre Stepanovitch POPOV (1858-1905), professeur russe d'ingénierie construit, en 1895, un appareil destiné à enregistrer les perturbations électriques dans l'atmosphère. Il est le premier à mettre au point des appareils utilisables pour la transmission et la réception des signaux et invente l'antenne.

Eugène Ducretet

Eugène DUCRETET (1844-1915) constructeur d'appareils de précision, puis de télégraphes et d'appareils à rayons X introduit en France, en 1887, les appareils de Hertz.

Il travaille en collaboration avec POPOV et procède le 5 Novembre 1898 à une expérience d'émission morse entre le Panthéon et la Tour EIFFEL.

L'émetteur se trouvait sur la tour EIFFEL, manipulée par son principal collaborateur, l'ingénieur Ernest ROGER.

Jules CARPENTIER (1851-1921), ancien ingénieur de la compagnie du chemin de fer P.L.M., après avoir acquit la succession de RUHMKORFF, fabrique vers 1900 les premiers récepteurs à tube à limaille de Branly.

Guglielmo MARCONI à l'age de vingt ans

En Italie, Guglielmo MARCONI (1874-1937), élève de RIGHI, se passionne pour l'électricité et l'électromagnétisme.

A l'été 1894, il a juste 20 ans. Hertz vient juste de mourir.

Guglielmo cherche un  moyen de communiquer sans l'aide de fils en se basant sur les découvertes du grand savant allemand.

Avec son frère Alphondo, il  s'installe dans le grenier de la maison familiale et construit un appareillage qui permet de faire tinter une sonnette deux étages plus bas.

Cliquez ici pour voir le dispositif utilisé par Marconi lors de ses premières expériences.

En France, Gustave FERRIE (1868-1932), ingénieur de l'école polytechnique s'intéresse à la TSF dès 1898.

En 1904 John FLEMING (1849-1945) connecte un circuit oscillant à la plaque du tube d'EDISON. Il constate que le galvanomètre en série dévie lors d'émission de TSF.

Dr W. H. ECCLES

Il fait breveter son système "oscillation valve" en novembre 1904.

Il fait construire des "valves" que le Dr W.H. ECCLES baptise "diodes".

FLEMING qui n'a pas inventé la diode puisque l'idée en revient à EDISON, a simplement utilisé l'effet redresseur à la détection des ondes.

Les recherches de DRUDE, SLABY et WIEN menées vers 1905 permettent de comprendre le phénomène d'amortissement des ondes.

Un peu partout dans le monde des pionniers lancent des expériences de télégraphie sans fil. On peut citer par exemple le père MURGAS qui va installer en Pennsylvanie sans doute l'une des premières station de télégraphie de taille industrielle.

En 1906, afin de mettre un peu d'ordre dans l'utilisation des ondes électromagnétiques, 27 nations signent à Berlin, une Convention Internationale (the International Wireless Telegraph Convention).

Lee DE FOREST (1873-1961) qui travaille depuis 1903 sur la détection, imagine début 1906 d'intercaler une batterie de "polarisation" dans le circuit anodique de la valve de FLEMING. Il déplace ainsi son point de fonctionnement et réalise une détection plus sensible.

Lampe triode

Le 15 janvier 1907, DE FOREST dépose un brevet pour un nouveau tube qu'il appelle "AUDION".

Le 29 janvier 1907 il dépose un deuxième brevet relatif à la troisième électrode intercalée entre le filament et l'anode. 

Cette électrode semi-opaque sera appelée grille (grid en anglais) compte tenu de sa structure maillée pour la distinguer de la plaque (plate en anglais) qui est composée d'une tôle pleine.

La lampe triode est inventée.

Lee de FOREST a également l'idée de relier cette électrode à un circuit accordé connecté à une antenne. Il recueille dans des écouteurs intercalés dans le circuit de l'anode un signal plus intense que celui reçu avec une simple diode. Il vient d'inventer le premier amplificateur électronique.

Reginald FESSENDEN (1866-1932), canadien, ancien collaborateur d'Edison, a lui l'idée de superposer des ondes vibrant aux fréquences du son à une fréquence radio pour en moduler l'amplitude. Il invente un détecteur radio assez sensible pour être utilisé en radiotéléphonie.

En 1906, il fait construire un puissant émetteur dans le Massachusetts.

La RADIO est née !

Une industrialisation rapide de la triode va s'organiser en Europe et aux Etats Unis et conduire à la production des premières lampes dont l'intérêt stratégique apparaît important à l'annonce de la première guerre mondiale.

Les premières fabrications seront réservées effectivement à un usage exclusivement militaire.

A la fin des hostilités, la société OSRAM, par exemple, commencera à produire, en association avec MARCONI, la triode ci-contre qui sera l'une des premières versions commercialisées en Angleterre à usage public.

En 1908 les ateliers Carpentier, Gaiffe et Rochefort fondent la Compagnie Générale de Radiotélégraphie (C.G.R.) dont le Professeur ARSONVAL devient le président.

Tube AUDION ou TRIODE

Le Ministre de la Guerre, commande à la C.G.R., trois stations d’émission : Belfort, Toul, Verdun.

Emile GIRARDEAU (1882-1970), ingénieur, crée le 3 avril 1910 la Société Française Radioélectrique sous la présidence technique de BRANLY, pour la construction de matériel de TSF. Premier constructeur français à partir de 1920, il crée une filiale destinée à exploiter les postes émetteurs de Saint Assise, appelés "RADIO FRANCE".

Valdemar POULSEN (1869-1942) construit des émetteurs à ondes entretenues avec des émetteurs à arc suivant le principe proposé par William DUDDELL .

Dès 1912, un service régulier de TSF est opérationnel entre San-Francisco et les îles Hawaï.

En 1914, les Allemands en guerre installent une station de radio militaire à Kamina  au Togo.

On cherche à éliminer ces arcs et leurs harmoniques avec des ALTERNATEURS. Les premières machines tournent à 3000 tours par minute. La puissance est de 250 à 500 kW. La fréquence de 15 000 à 20 000 périodes par secondes correspond à des longueurs d'onde de 20 000 à 15 000 m.

Pour abaisser celle-ci, il est nécessaire de développer des doubleurs, des tripleurs voir même des quadrupleurs de fréquence, ce qui fait tout de même des longueurs d'onde de l'ordre de 3500 à 5000m. 

FESSENDEN a l'idée de faire interférer un émetteur à arc de très petite puissance avec l'onde reçue.

C'est le principe du système HETERODYNE.

Dans le même temps, on découvre qu'une self insérée en série dans la plaque de la triode et couplée à une self dans le circuit de la grille, entraîne dans certaines conditions une auto-oscillation qui génère des ondes entretenues. Ce montage va faire merveille dans le domaine de l'émission.

La triode va être utilisée dans toutes les fonctions de base de la radio, en amplificatrice basse fréquence, haute fréquence, en détectrice et également en oscillatrice.

Les développements industriels vont rapidement rechercher une amélioration de la sélectivité et de la sensibilité des récepteurs et proposent des schémas de plus en plus élaborés.

Le Filament au coeur de la lampe de TSF

Les premières solutions proposées présentent cependant l'inconvénient d'avoir autant de circuits accordés (condensateurs variables et self induction) que d'étages amplificateurs avec pour conséquence souvent plusieurs boutons à tourner pour changer de station.

De plus l'augmentation de l'amplification fait apparaître des phénomènes d'instabilité des récepteurs qui sont sujet à des "accrochage" (auto-oscillation) rendant leur usage encore délicat et leur fonctionnement aléatoire.

Ce phénomène sera réglé par l'amélioration des caractéristiques des composants et par la mise en place de circuits de NEUTRODYNAGE.

En 1914 Alexsander MEISSNER (1883-1958), ingénieur autrichien, propose le principe d'un montage "super hétérodyne".

En 1917 en France, Lucien LEVY réalise et met au point  le montage "SUPERHETERODYNE" toujours utilisé de nos jours. Il dépose 2 brevets l'un le 4 juillet 1917, l'autre le 1er octobre 1918.

Toujours en 1917, on découvre aussi le fonctionnement de la triode en détectrice autodyne ou détectrice à réaction, ainsi que la super réaction due à Armstrong.

En 1918, à la fin de la première guerre mondiale, on commence à construire des émetteurs à ondes entretenues avec des triodes. 

Les premiers émetteurs à étincelles, basés sur les principes de Marconi et qui diffusent des informations codées (heure et informations météorologiques) , tournées vers la navigation et des applications non civiles, sont encore d'usage à cette date, mais leur fin est proche.

Ils vont très vites être détrônés par les émetteurs à ondes entretenues qui diffuseront de la musique et transmettront la voix humaine.

Entre 1916 et 1919, la TSF devient la RADIO avec un usage généralisé des lampes.

C'est la fin de la phase électrique et le début de la phase électronique

Ainsi dès la fin des hostilités, les pouvoirs politiques en France et à l'étranger, poussés par les industriels, comprennent rapidement l'intérêt de développer une radiodiffusion publique.

Aux Etats-Unis et au Canada naissent les premières Radio commerciales avec des émissions suivies et organisées

Le 26 novembre 1921 a lieu : la première émission de RADIOPHONIE française.

Dans les locaux de la très récente et puissante station de SAINTE-ASSISE, près de Melun, une chanteuse de 1'opéra Comique, mademoiselle Yvonne Brothier, debout au milieu de tout l'appareillage d'émission, interprète "la Marseillaise", la "Valse de Mireille" et un air du "Barbier de Séville".

A quarante kilomètres de là, une assemblée réunie en banquet à l'Hôtel Lutétia à Paris par la Société Amicale des Ingénieurs Electriciens en l'honneur d'Ampère entend la voix de la chanteuse, "avec une grande intensité et une netteté parfaite". C'est l'enthousiasme !

Le concert est également capté par de nombreuses stations françaises et étrangères dans un rayon de 1.600 kilomètres.

Mais le nombre d'auditeurs reste encore limité et la réception réservée à un public averti.

En février 1922, Émile GIRARDEAU de retour des USA, propose la création d'un service public d'information et de musique.

La radiodiffusion française est née !

Le 14 novembre 1922, la même année, les émissions de la BBC débutent en Angleterre.

D'abord à PARIS puis dans les grandes villes de France, les passionnés de musique classique ou d'opérettes vont  pouvoir écouter à la maison leurs oeuvres favorites.

Dès cette année 1922, la Station SFR de Levallois-Perret (puissance 2kW) donne des concerts journaliers sur 1565 m de 20 h 45 à 22 heures ainsi que chaque dimanche à 14 heures.

Le poste de LYON-La DOUA lance tous les matins vers 10 h 30, sur 1600 m, un message "radiophoné" qui commençait ainsi "Ici station radiotélégraphique de LYON Administration des Postes et des Télégraphes".

La culture, jusque là réservée à une minorité d'intellectuels, va  enfin pénétrer les foyers les plus humbles.

Qui ne connaît pas aujourd'hui cet air extrait de l'opérette "LE PAYS DU SOURIRE" "Je t'ai donné mon coeur" chanté par Rudy Hirigoyen et qui a fait vibrer le coeur de nos anciens.

cliquez sur le phonographe ci-contre pour écouter un extrait de cet enregistrement

(orchestre de Raymond Legrand - Disque 78T DECCA-MB20646)

Les premiers journaux parlés apparaissent, ainsi qu'une réglementation sur le droit à installer une station d'émission. N'oublions pas que nous sommes au lendemain de la première guerre mondiale et que les politiques ont bien compris l'intérêt stratégique de la TSF.

Marcel PELLENC (1897-1972), Directeur de l'école supérieure des PTT, met en service, le 19 janvier 1923, dans les locaux de l'école, 103 rue de Grenelle à PARIS, le premier poste européen en ondes moyennes.

René MESNY (1874-1949), après avoir rejoint dans les années 20 l'équipe du général FERRIE, parvient avec l'aide de Georges BEAUVAIS à établir une liaison en ondes métriques entre le continent et la Corse en 1926.

La gestion de l'espace radiophonique (droit à émettre et attribution de plage de fréquences aux différents utilisateurs) devient une préoccupation internationale qui va donner naissance à une organisation transnationale, l’Union Internationale des Télécommunications (U.I.T.), chargée d'élaborer une réglementation nouvelle et de mettre en place les organismes de contrôle.

Les premières expériences de transmissions à longue distance en utilisant des ondes courtes ou ultra courtes, mettent en évidence les phénomènes de propagation des signaux  dans l'espace et la possibilité d'utiliser suivant la longueur d'onde de l'émission des liaisons directes ou des liaisons par réflexion sur les hautes couches de l'atmosphère.

Les premières revues de vulgarisation sur ces techniques nouvelles se développent et sont rapidement convoitées par un public enthousiaste. Sur les plaies encore ouvertes de la grande guerre, des pionniers illustres tel Joseph ROUSSEL en France se lancent dans une grande campagne de sensibilisation auprès du public en créant des radio-clubs, en organisant des conférences et en écrivant des livres de qualité.

Tous les éléments sont enfin rassemblés pour un développement en masse de la RADIO.


ooOoo

A partir de 1922/1923, on peut dire que la radio échappe aux pionniers et rentre dans la vie de tous les jours.

Elle devient partie inséparable de notre environnement. Avec elle commence l'ère de la communication, de l'information,...voire de la désinformation.

En 1924, en effet, pour la première fois au monde, une campagne présidentielle américaine est diffusée dans l'ensemble du pays. La TSF sera sans doute un facteur de succès pour le candidat républicain John COOLIDGE qui deviendra grâce à la puissance de ce nouveau média, le 30ième président des Etats-Unis.

La radio devient en quelque décennies une denrée convoitée par tous les pouvoirs et en particulier les pouvoirs politiques (souvenez-vous de l'utilisation de la radio par le 3ième Reich pour la propagande NAZI).

Tube moderne d'émission de puissance à refroidissement par eau.

Mais qui dit communication intercontinentale dit aussi compréhension, problème de langue...

Ce problème n'a pas échappé aux pionniers . MARCONI lui même dans la revue LA MOVADO (revue en ESPERANTO) de septembre 1926,  notait que "la plus grande supériorité que l'homme ait sur les animaux est qu'il peut communiquer en détail sa pensée à ses semblables".

Docteur Pierre Corret

Il n'est de ce fait pas étonnant que les pionniers de la TSF, comme le Docteur Pierre CORRET (image ci-contre) se soient intéressés d'une part à la recherche d'une langue commune de communication à l'échelle de la planète et aient contribué à la diffusion de la langue internationale ESPERANTO et d'autre part aient travaillé à la vulgarisation de la Radio, vecteur privilégié de cette communication.

Dans les années 20, le Dr Corret était vice-président de la Société des amis de la TSF et membre de l'Académie Espérantiste Internationale.

Il était aussi l'un des pionniers des radio-amateurs français (indicatif 8AE).

On le voit ici à l'occasion des vœux de fin d'année 1925 lancer un message à ses amis du monde entier.


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Ce n'est sans doute pas non plus un hasard si le premier congrès international d'ESPERANTO présidé par son inventeur le Dr Louis Lazare ZAMENHOF s'est tenu en 1905 à Boulogne-sur-mer à deux pas de Wimereux ou MARCONI avait jeté l'ancre quelques années auparavant.

Le parcours est fini, l'histoire continue.

Mais souvenez-vous ...

science sans conscience n'est que ruine de l'âme

Et méditez cette citation de Gaston Bonnefont, auteur en 1895 d'un magnifique ouvrage sur le Règne de l'Electricité, en hommage à Von SIEMENS :

"Devant la Gloire méritée d'un savant, il faut s'incliner avec respect, même s'il appartient à une nation qui est (ou fut) notre ennemie. La Science comme l'Art, fait tomber les haines ou du moins leur impose le silence et constitue un terrain neutre où, en dépit des souvenirs cruels et des ressentiments profonds, l'Admiration et les Hommages sont permis".

L'auteur espère que cette rétrospective vous aura intéressé et que vous reviendrez bientôt pour connaître la suite de cette histoire humaine passionnante.


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