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L'émetteur

Les Alternateurs à Haute Fréquence

Pour obtenir des ondes entretenues (Constant Waves - CW) de haute fréquence, sous de fortes puissances, les ingénieurs pensèrent dès 1905 à utiliser des machines tournantes industrielles du type de celles employées pour fabriquer le courant électrique domestique. Mais la fréquence très basse de ces alternateurs (50 ou 60 Hz) ne convenait absolument pas à la production d'oscillations très rapides nécessaires à la télégraphie.

Il y a une solution simple direz-vous ; Pour augmenter la fréquence, il suffit de faire tourner la machine plus vite ! Mais imaginer que pour augmenter la fréquence jusqu'à plusieurs milliers de hertz il faudrait que la machine tourne à plusieurs centaines de milliers de tours à la seconde ! A une telle vitesse, en imaginant que cela soit possible, les forces centrifuges feraient exploser instantanément la machine.

Il était donc nécessaire d'imaginer et de tester des machines de conception différente, machines qui seront appelées plus tard Alternateurs à Haute Fréquence.

De nombreux ingénieurs et chercheurs se mirent à l'ouvrage pour inventer et mettre au point ces machines dont la conception était complexe et la réalisation s'avérait délicate (sensibilité vibratoire). On peut citer parmi ceux-ci :

Elihu THOMSON (1853-1957) fondateur en 1883 de la Thomson-Houston Company,
Nicolas TESLA (1856-1943) ingénieur américain d'origine croate chez Westinghouse,
William DUDDELL physicien anglais,
GOLDSCHMIDT et Georg Graf von ARCO chez Telefunken en Allemagne,
Reginald FESSENDEN (1866-1932) et Ernst ALEXANDERSON chez General Electric

Mais les premiers essais n'aboutirent pas à des résultats vraiment convaincants car la fiabilité mécaniques des prototypes n'était pas satisfaisante et ne permettait pas d'envisager un développement industriel de série.

Il faudra attendre les années 1910 pour voir, aux Etats-Unis, Alexanderson proposer une machine qui réponde enfin aux besoins des radioélectriciens.

Sa machine se compose d'un stator feuilleté et d'un rotor massif en acier à haute résistance en forme de disque présentant à la périphérie des encoches remplies de bronze (pour limiter les frottements de l'air - ce que les spécialistes appellent les pertes de rendement par ventilation).

Ernst Alexanderson en train de tester un nouveau matériel vers 1916.
Ernst ALEXANDERSON
Source: Michaelis Dr. Anthony R., 1965

L'image ci-contre montre Ernst Alexanderson en train de tester un des premiers alternateurs de puissance de son invention, vers 1916.

Ces machines tournaient à 2 000 tours/minute, vitesse élevée qui engendrait des contraintes mécaniques très grandes sur des structures rotoriques de grand diamètre. La fiabilité de ces machines était par ailleurs assez mauvaise et les indisponibilités (arrêt pour réparation) causées par des usures des paliers et des vibrations anormales, étaient assez fréquentes.

 Ces alternateurs HF produisaient un courant alternatif dont la fréquence ne dépassait pas 25 KHz (13 500 m de longueur d'onde) pour une puissance de 200 KW.

Ces machines équiperont cependant les premières stations radiotélégraphiques de puissance transcontinentales telle la station de Rocky Point (Long Island) près de New-York ou celle de New Brunswick dans le New Jersey.


Alternateur HF Alexanderson de 200 kW
Photo Scientific American Inc.1922



En France, Josef Béthenod et Marius LATOUR, ingénieurs à la SFR, s'intéressent à la même époque à ce type de machines tournantes.

En coopération avec les Ingénieurs de la Société Alsacienne de Constructions Mécaniques (SACM - M. Billieux en particulier), ils conçoivent une machine de conception différente, plus fiable et moins sensible aux vibrations. Cette technologie va rapidement devenir une référence et des machines de différentes puissance vont être fabriquées en de nombreux exemplaires, afin d'équiper des stations nouvelles en France et dans le monde entier.

La disposition proposée pour le stator de cet alternateur dit à fer tournant, permet d'augmenter le nombre d'encoches et ainsi de produire, un courant de fréquence plus haute que la machine d'Alexanderson, sans augmenter la vitesse de rotation et en limitant la vitesse périphérique à des valeurs de sécurité (150 m/s).

Le schéma de principe de l'alternateur Bethenot-Latour est présenté ci-dessous.

Alternateur HF

Cet alternateur est basé sur la modification périodique de la réluctance du circuit magnétique. Dans cette machine l'inducteur et l'induit sont tous les deux immobiles. Le stator est un disque massif pourvu à sa périphérie d'encoches usinées.

Le flux magnétique est produit par une bobine inductrice fixe AA'. 

Le circuit magnétique est constitué de la roue mobile en fer RR', le noyau d'induit entouré des bobines induites BB' et un flasque FF' qui constitue le corps de la machine.

Plaque ancienne Sté SACM (photo Didier Muller) La roue mobile comporte un nombre N de dents et le noyau d'induit 2N encoches dans lesquelles sont disposées 2N bobines reliées entre elles en série et avec les enroulements successifs bobinés en sens inverse de façon à ce que les f.e.m soient en phase et s'ajoutent.

Lorsque la roue en fer passe devant une encoche fixe de l'induit, le flux varie de 0 à une valeur maximale puis revient à 0 donnant ainsi à chaque passage de dent naissance à une tension alternative dans la bobine.

La fréquence du courant est fonction de la vitesse de rotation.

Si l'on a 12 dents et une vitesse de rotation de 4500 t/min (75 tours par seconde), la fréquence du courant induit sera de :

75x12 = 900 Hz

Avec une machine tournant à 3000 t/min et 400 encoches il est possible de produire une tension alternative de :

50x400 = 20,000 Hz   (20 kHz)

Dans ce type de machines électromagnétiques, il est nécessaire de constituer les parties soumises au champ magnétique haute fréquence par des tôles minces afin d'éviter les pertes de rendement par échauffement. C'est ce que l'on appelle les pertes fer.

Dans un article paru dans la Revue Générale d'Electricité de décembre 1918, Marius Latour précisait que la limitation des échauffements sur les premières machines, avait pu être obtenu par l'utilisation de tôles spéciales venues des Etats-Unis de 5/100 mm d'épaisseur.

Afin d'éviter les pertes par frottement de l'air (pertes par ventilation), les machines fonctionnaient sous atmosphère raréfié.

L'ensemble complet se composait en fait de 4 machines : un moteur à courant alternatif branché sur le réseau 50 Hz entraîne à vitesse constante (1500 t/min) une génératrice à courant continu, un moteur à courant continu sur lequel on peut règler la vitesse, entraîne l'alternateur HF.

Alternateur à fer tournant installé sur l'émetteur de LYON-La DOUA vers 1920

La vue ci-dessus montre la roue mobile en fer feuilleté et la partie inférieure du stator de l'alternateur du poste émetteur de Lyon-la-Doua (Musée Ampère à Poléymieux près de LYON)

Les machines françaises se révélèrent rapidement très performantes et elles furent rapidement adoptées par de nombreuses stations en France et à l'étranger (Ankara, Belgrade, Bordeaux, Bruxelles, Bucarest, Pise, Constantinople, Lyon, Prague, Saïgon, Sainte-Assise, Tananarive ...).

Alternateur à Haute fréquence

L'image ci-contre montre un Alternateur à Haute Fréquence Bethenod-Latour réalisé par la Société Alsacienne de Constructions Mécaniques (SACM) à Belfort.

Cette machine était installée sur l'émetteur de Sainte-Assise près de PARIS.


En Allemagne GOLDSCHMIDT et ARCO proposèrent un alternateur à moyenne fréquence qui exploitait, par un système de filtrage (circuit résonnant accordé à la sortie de la machine), les harmoniques de la fréquence fondamentale de la machine (Vous vous souvenez du théorème de Boucherot!).

Cette technologie fut rapidement abandonnés en raison de la grande sensibilité du règlage de l'accord des circuits de filtrage : dès que l'accord des circuits n'était plus parfait, des pertes importantes de rendement conduisaient à des échauffements importants des machines allant jusqu'à entraîner des incendies destructeurs.

Galeno

Merci à Monsieur Didier MULLER du Haut-Rhin pour sa photo de la plaque ancienne SACM.

Source :

  1. A la conquête des ondes - LA TSF - Paul BRENOT - Librairie PLON - PARIS 1929. Préface du général FERRIE
  2. Cours de physique générale - Electricité - G. Bruhat et G. Goudet - MASSON & Cie Editeurs - 1967
  3. Encyclopédie de la Radio - M. ADAM - Etienne Chiron Editeur - PARIS - Edition de 1928
  4. Revue Générale d'Electricité du 23 novembre 1918
  5. Le Général Ferrié - Ouvrage du centenaire - Progrès et Sciences N° 18 spécial - 1968

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