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Papy, pourquoi a-t-on du 220 V à la maison ?

Ma petite fille m'a posé récemment cette question.

Bonne question lui ai-je répondu ! ... mais réponse pas si facile que ça à formuler !

Galeno

Alors, je suis allé relire quelques vieux bouquins poussierreux et j'ai retrouvé quelques informations intéressantes, qui sont, à n'en pas douter, des éléments historiques, fiables et sérieux.

Avant d'apporter ces éléments de réponse, un bref rappel historique s'impose.

L'électricité au sens ou nous l'entendons aujourd'hui, est née, comme vous le savez, de l'invention de la pile vers 1800 par le grand Monsieur Volta. Mais direz-vous, quelques expériences avaient été faites bien avant avec des machines électrostatiques !

Oui, vous avez raison, mais ces expériences gardaient au niveau du public un aspect plus ludique que scientifique. C'est dirons-nous la période pré-historique de l'électricité.

Il faudra attendre le milieu du 19 ième siècle pour que l'électricité devienne une science au sens moderne avec, en particulier, la théorie de l'électromagnétisme et les travaux d'AMPERE et trouve des applications pratiques.

Deux axes de recherche ont rapidement mobilisé les forces des savants de l'époque : L'électrochimie d'une part représentée par les travaux de DAVY en Angleterre et les applications "galvaniques" qui ont suivi (dépots électrolytiques de métaux nobles ou précieux, or, argent, chrome, cuivre, nickel, ...), et la mise au point de l'éclairage artificiel, suite à la mise en évidence par ce même Davy de l'arc électrique capable de produire de la lumière.

Le développement de la lampe à arc est bien sans doute en effet la première application de l'électricité qui aura eu des implications "commerciales" importantes.


Cela a-t-il quelque chose à voir avec le 220 V ?


Peut-être b'en qu'oui !!


Il faut déjà avoir en tête ceci : qui dit éclairage public, dit réseau de distribution, lignes électriques et fils de grande longueur.

Qui dit éclairage public, dit aussi grand nombre de lampes donc forte puissance électrique produite, transportée et consommée.

Galeno

Nous savons tous que les lignes électriques offrent une résistance au passage du courant même si le fil est assez gros et le métal bon conducteur (cuivre).

Nous savons que cette résistance crée un échauffement des fils qui conduit à une pertes d'énergie et une baisse de rendement de l'installation.

Nous savons aussi que la puissance échangée est proportionnelle à la tension aux borne des appareils et à l'intensité du courant qui passent dans les fils.


P=k x U x I

P est en Watt (W), U en Volt (V) et I en ampère (A). k est un coefficient qui peut être inférieur à 1 dans le cas ou le courant est alternatif et non du courant continu.


Pour revenir à notre tension de 220 V, disons tout d'abord qu'elle n'a pas toujours eu cette valeur de référence en France et à l'étranger. Il y avait avant les années 1965, du 110 V. Mais sous l'effet de l'augmentation de la demande d'énergie, notre producteur historique EDF a fait passer la tension de 110 V à 220 V ce qui a permis de faire circuler dans les mêmes lignes 2 fois plus d'énergie sans avoir à doubler la section des fils.


Mais cela ne répond pas à la question initiale !


Alors pourquoi du 110 V ?

Ah ! Il y a là une (voire des) explication(s) tout à fait sérieuse(s).

Les lampes à arcs dont nous avons parlé précédemment, fonctionnaient correctement avec une tension de 45 à 48 V. Allez donc savoir pourquoi cette valeur !!

Tension

Toutefois les expériences d'exploitation des premiers réseaux d'éclairage avaient montré que compte tenu de la qualité des crayons de charbon employés et de la sensibilité des mécanismes de réglage , il n'était pas possible de garantir une stabilité de l'arc et une fixité de la lumière, si la tension aux bornes de la lampe à arc n'était pas supérieur à 65 V :

Disons pour être pratique 70 V quand les lignes ne dépassent pas 50 m de longueur (éclairage sur un paquebot par exemple) et 100 à 105 V quand les lignes sont beaucoup plus longues (réseau d'éclairage urbain).

Par ailleurs, Monsieur EDISON qui vers 1880 testait, dans son laboratoire de Melo Park, des filaments de différentes natures pour produire en série des lampes à incandescence, avait de son côté d'énormes difficultés à fabriquer des lampes pour des tensions supérieures à 100 V.

Il avait même été jusqu'à imposer cette limite de tension dans ses spécifications techniques. Valeur empirique certes, mais "chiffre rond" très normatif pour l'époque.

Dernier élément au problème, si je veux mettre 2 lampes à arc en série sur une ligne pour économiser du fil et optimiser mon réseau, il me faudrait disons 2 fois 55 à 60 V soit un peu plus de 100 V . Allez ne mégotons pas .... mon dernier prix sera à 110/115 V !!

Et voilà, très sérieusement expliqué une des raisons qui ont conduit les premiers électriciens - qui sont des gens qui ont très vite souhaité "normaliser" les choses - à standardiser la tension des premiers réseaux à cette tension encore d'actualité de nos jours ; il suffit d'aller outre atlantique par exemple (USA, Canada, ...) pour s'en convaincre.


Sources :

  1. Revue La Nature - N° 797 de septembre 1888 p: 216 et suivantes.

© 2000-2007 Pierre Dessapt