Cette page vise à monter comment l'électricité a pénétré dans nos villes et villages au début du siècle dernier. Ce rappel historique n'est certe qu'un exemple particulier vécu au centre de l'Auvergne, dans une zone où l'agriculteur côtoyait le bucheron, le coutelier et les artisants locaux, mais il est représentatif de situations multiples vécues dans la France et l'Europe entière à la même époque.
Il y avait aussi, ne l'oublions pas à cette époque, dans la région du Massif Central riche en volcans, une activité économique importante liée au thermalisme comme à Vichy qui accueillait une bourgeoisie internationale argentée qui souhaitait sans doute profiter des possibilités offerte par la Fée Electricité (bains, massages, soins médicaux, radiologie et plaisir des jeux).
Sous le second Empire, le thermalisme va profiter des nouvelles thérapies afin d’apporter aux curistes tout le confort possible. Les stations thermales se modernisent avec l'apport de l'éclairage électrique (1893 à Vichy)) et des transports en commun (tramway à air comprimé en 1895 à Vichy). De nouvelles techniques de soins sont proposées comme la physiothérapie ou le hammam vaporifère très prisé à Vichy qui associe l'électrothérapie à d'autres techniques de soins.
Le barrage de Sauviat (connu aussi sous le nom de barrage du Miodet) est le 42ième "grand barrage" français dans l'ordre chronologique.
Pour mémoire on appelle grand barrage, tout ouvrage de retenue d'eau de hauteur supérieure à 15 m. Il y en a environ 600 en France.
Le barrage de Sauviat est un barrage poids (gravity dam), en maçonnerie, de conception classique à l'époque (profil triangulaire - 21 m à la base, 5 m à la crête, 27 m de hauteur). Sa longueur est de près de 90 m et le volume de maçonnerie d'environ 20,000 m3. Il retient un volume d'eau de l'ordre de 0.6 million de m3 qui assure une réserve pour l'usine hydroélectrique implantée en aval.
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Le bâtiment technique principal, construit à l'origine, a été prolongé dans les années 1910 pour abriter une centrale thermique à charbon. Cette extension était devenue nécessaire pour assurer la permanence de la production électrique tout au long de l'année compte tenu du faible débit d'étiage de la Dore en été et des besoins en électricité en hiver.
On peut supposer que le charbon, consommé en assez grande quantité pour alimenter la chaudière, devait arriver par chemin de fer - la ligne Thiers-Ambert qui suit la vallée de la Dore depuis Courpière passe juste au pied du barrage.
Dans cette zone montagneuse du Livradois, d'accès difficile à l'époque, un convoyage par route du charbon pouvait se faire depuis la gare de Courpière, mais il devait être bien difficile surtout en hiver.
Le charbon, c'est vrai, il y en avait plein dans la région à l'époque : Brassac-les-Mines, Charbonnier, Frugères-les-mines, Saint Eloy-les-Mines dans le Puy-de-Dôme, Aumance près de Buxières-les-Mines dans l'allier. Ces noms évoquent sans doute quelques souvenirs chez les plus anciens.
Ce transport de charbon est confirmé par Monsieur Maurice Sabatier, un ancien du village de Domaize près de Sauviat : "le charbon arrivait de la gare de Courpière située à une dizaine de kilomètres. De là, il était acheminé par la route (à l'époque plutôt un chemin) jusqu’en dessous du lieu-dit Le Sangle. Là, un conduit en bois permettait au charbon de descendre par gravité, vue la pente, jusqu’à la centrale thermique de Sauviat".
La photo ci-contre et le photo-montage ci-dessous montrent le dispositif utilisé à l'époque.
L'appareil de levage installé sur l'aire de déchargement et appelé "chèvre" devait vraisemblablement servir au basculement de la charge de charbon dans la trémie d'évacuation.
Il y a même, à côté de Le Sangle, un endroit appelé "Le rail" qui semblerait indiquer qu'il y a eu d'installé aussi à cet endroit un dispositif de wagonnets qui aurait servi à descendre le charbon et peut-être aussi des pièces mécaniques lourdes, dans la continuité du funiculaire qui avait été utilisé en phase de construction.
L'unité de production de Sauviat a été conçue et construite sous la conduite d'un jeune ingénieur de l'Ecole Centrale, Francisque FAY qui fut l'un des fondateurs et le premier Directeur de la Société des Forces Motrices d'Auvergne (S.F.M.A.).
Le projet, financé par des industriels locaux et des banquiers, se justifiait sans nul doute par un urgent besoin en courant de la ville de Thiers, même si d'autres arguments avaient pu être présentés dans les dossiers. L'industrie coutelière avait besoin d'électricité pour faire tourner les moteurs électriques qui, en cette fin du 19ième siècle, étaient techniquement au point (moteur asynchrone triphasé) et pouvaient remplaçer progressivement les roues à aubes des "rouets" - ateliers artisanaux installés le long de la rivière Durolle qui traverse la ville.
Le projet avait eu quelques difficultés à prendre corps et avait donné lieu, à Thiers et dans les communes voisines, à des réunions et discussions publiques parfois houleuses.
En Auvergne, comme dans bien des villes de France et d'Europe, l'arrivée de l'électricité dérangeait les producteurs de gaz présents depuis le milieu du 19ième siècle. Ils avaient contractualisé depuis longtemps avec les communes pour l'éclairage public (ne parlait-on pas de "gaz d'éclairage" à l'époque ?) et le passage de canalisations de distribution.
Ces compagnies souhaitaient amortir les lourds investissements qu'elles avaient consenti à faire pour installer et exploiter de petites usines à gaz (gaz de coke produit par distillation de la houille) et d'énormes gazomètres télescopiques (réservoirs de stockage de gaz à volume variable) et les kilomètres de tuyaux enterrés associés.
A Thiers, ces installations construites vers 1870 avaient guère plus de 20 ans d'exploitation à l'époque de l'arrivée de l'électricité. Elles commençaient juste à devenir rentables aux yeux des investisseurs inquiets.
Entre défenseurs du gaz et pro de l'électricité, les conversations allaient bon train ! Les communes voisines venaient en plus mettre de l'huile sur le feu en rajoutant des exigences particulières : faudra-il, en plus, couper le courant sur les lignes pendant la période de gaulage des noix pour éviter les accidents électriques ?
.... et votre gaz qui pue et brûle nos maisons ? vendez-le à qui vous voudrez, mais pas à nous !
La population était dit-on "à couteaux tirés" ! ... Un comble pour la capitale de la coutellerie ! En fait de révolution industrielle, on était au bord de la révolution tout court !
La Cité coutelière n'avait-elle pas concédé l'usage exclusif des rues pour le passage du gaz ? Argument juridique de poids sans doute pour résister à l'arrivée déloyale de l'électricité !
La justice aura à trancher ! disait-on chez les gaziers.
L'usine à gaz de Thiers ressemblait beaucoup dans son architecture à une installation similaire exploitée à la même époque à Montreuil-sous-Bois près de PARIS. Chaque ville de taille moyenne disposait de telles installations dont les rejets toxiques concentrés dans le sol, polluent encore de nos jours de vastes terrains considérés comme inconstructibles, mais comme le rapporte périodiquement la presse, parfois occupés par des lotissements, voire des écoles.
Certains aussi faisaient pression pour lier la construction du barrage de Sauviat à l'implantation d'une ligne de tramways qui aurait été utile pour assurer une liaison entre la cité du couteau et la ville voisine de Saint-Rémy-sur-Durolle où la production de pièces de coutellerie était freinée par le manque de moyens de communication.
Le Maire de Thiers de l'époque, lui, souhaitait remplacer rapidement les 50 lanternes au gaz de type AUER de 50 bougies qui éclairaient quelques rues de la ville par 70 lampes à incandescence de 25 bougies et 100 de 16 bougies, invention toute nouvelle de Monsieur Edison.
Bah ! il trouverait bien une activité de remplacement pour l'allumeur de réverbères mis au chomage technique !
L'expérience locale de quelques pionniers qui avaient installé sur les chutes d'eau de la rivière des dynamos avait aussi convaincu bon nombre de couteliers de l'intérêt du moteur électrique pour faire tourner leurs meules et leurs polissoires !
Enfin, argument de choc, je le dis tout bas, mais ne le répétez pas, La Société d'électricité, sans doute pour amadouer quelques opposants, se serait engagée à construire gratieusement, dans le bourg de Sauviat, un lavoir public tout neuf ! .... geste commercial ? pot-de-vin ? ... à vous d'en juger ...
L'histoire ne dit pas s'il était prévu un éclairage électrique pour les lessives tardives !
Ceci étant, il n'avait pas échappé au brillant Ingénieur Fransisque FAY que la roue à aube était bel et bien en fin de vie et que l'industrie ne pourrait se développer au plan local sans l'aide de la Fée Electricité.
En ce début de siècle - nous sommes tout juste en 1900 - le transport de l'électricité sur de longues distances ne pose plus de problème depuis le développement des "dynamos à courant alternatif" et l'invention du transformateur.
Oui, on n'employait pas encore le terme d'alternateur à l'époque pour désigner les nouvelles machines de production d'électricité. Le mot dynamo désignait à la fois les générateurs de courant continu et de courant alternatif.
Une partie de la production pourait ainsi être amenée jusqu'à Vichy à plus de 40 Km, ville qui avait besoin elle aussi d'électricité pour l'éclairage public et l'exploitation de la station thermale.
Les riches curistes en robes en éventail seraient plus belles le soir, à la lueur des lampes à arcs qui devaient éclairer l'entrée du Casino nouvellement construit dans la perspective du Parc des Sources !
La production d'électricité de Sauviat serait donc en courant alternatif - tension de transport de 11,000 Volts à l'origine - Lignes électriques sur poteaux bois et isolateurs en porcelaine. Distribution en 110 V bien sûr à partir de quelques postes de transformation construits dans la ville.
Le réseau électrique local s'étend sur une zone économique importante où de nombreuses installations industrielles vont pouvoir bénéficier de l'électricité. Les coutelleries de Thiers par exemple vont remplacer la roue à aube par le moteur électrique, les scies, pompes à eau et l'éclairage public vont commencer à apparaître dans les premiers villages.
Un article paru dans la revue scientifique La Houille Blanche N° 12 de décembre 1907, montre la carte du réseau électrique de la Société des Forces Motrices d'Auvergne qui exploitait à cette époque la production du barrage de Sauviat et dont le Directeur était le jeune ingénieur Francisque FAY.
On peut imaginer que dans cette région montagneuse et boisée, la pose des lignes avait sans doute nécessité la réflexion de nombreux techniciens et le travail d'une main d'oeuvre importante ainsi que des heures de discussions avec les autorités locales et les habitants pour poser les poteaux, tailler les arbres et transporter les matériels électriques sur des chemins étroits et bourbeux en hiver avec comme seul moyen de transport la charette et le cheval.
Il est vrai aussi que le pays possédait de grands espaces plantés de sapins dont l'exploitation fournissait des poteaux très appréciés par les électriciens et les téléphonistes pour leur résistance mécanique.
Les habitants de la région de Thiers et du Livradois connaissaient bien ces tours d'imprégnation de poteaux en sapin où l'on injectait du sulfate de cuivre et d'autres composants assez toxiques pour rendre le bois imputrescible pendant de longues années.
Pour des raisons non précisées, le réseau électrique local de Thiers, de dimension limitée avec une étendue ne dépassant pas 70 Km, distribuait le courant via 3 lignes à Haute Tension qui fonctionnaient sous différents voltages étagés entre 5.000 et 20.000 Volts. Cette conception était elle liée à des problèmes techniques (puissance à transporter), à des problèmes de disponibilité de matériels (transformateurs, organes de coupure, isolateurs, conducteurs, etc) ou à une optimisation économique des investissements. Cela reste une donnée non fournie.
L'article de la revue La Houille Blanche qui a plus de 100 ans donne, par contre, des informations précises sur la conception et le dimensionnement de ces lignes. Il est même précisé qu'une ligne téléphonique était supportée par les poteaux électriques de la voie Thiers-Courpière avec un croisement des conducteurs tous les 200 mètres pour minimiser les effets de l'induction magnétique due à la ligne électrique.
En ce qui concerne la ligne vers Noirétable, la morphologie du terrain avait conduit à retenir un parcours sur la rive droite de la Durolle en contournant Thiers et en évitant de suivre la vallée tortueuse et profonde de la rivière.
Les poteaux en bois avaient été remplacés dans les zones pentues par des poteaux en fer avec des portées pouvant atteindre 240 m et une flêche de 10 m.
Comme vous le constatez, l'électricité, mais c'était déjà très simple en 1900 !!
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On voit très bien sur l'image de gauche les conduites forcées qui amènent l'eau aux turbines (4 turbines Francis de construction suisse (Société Escher Wyss.CO Zurich rachetée en 1969 par Sulzer) d'une puissance totale de 2,2 MW - 3000 CV) et les cheminées d'équilibrage qui évitent les "coups de belier" dans les tuyauteries lors de la manoeuvre rapide des vannes des turbines
On distingue aussi les sorties électriques et le poste de transformation accolé au bâtiment technique (derrière le hangar en bois).
Les turbines sont alimentées par l'eau de la Dore prélevée en amont et amenée jusqu'au barrage par un canal latéral de 2,5 Km et suivant les besoins par vidange de l'eau stockée dans la retenue du barrage.
Cette spécificité du site permettait de gommer les variations importantes de débit de la Dore au long de l'année (de l'ordre de 4 m3/s en période d'été (bas étiage) jusqu'à 18 m3/s en période de crues - (fonte des neiges sur les monts du Livradois-Forez en mars avril -Valeurs moyennes mesurées à Giroux).
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Au niveau de la prise d'eau du canal, au lieu-dit Les Prades, un barrage de faible hauteur (2 m) barre la rivière créant ainsi en amont un joli plan d'eau.
A ce niveau, un bac, accroché à une chaîne, traversait jadis la rivière et permettait aux promeneurs du dimanche et aux pêcheurs de rejoindre la rive gauche de la Dore depuis un arrêt du train qui circulait alors sur la voie que l'on distingue derrière l'écluse (image de gauche).
Les descendants de l'éclusier (on retrouve dans certains textes le terme de Garde d'eau), m'ont raconté que leur aïeul tenait ici un café/guingette et qu'on venait en famille boire, "saucissonner" et sans doute aussi faire le fête, dans un cadre fort agréable.
Il est fort à penser que la patronne avait le secret de ces omelettes aux girolles ou aux morilles que l'on sait cuisiner dans la région ! ... et que sa fourme d'Ambert était choisie parmi les meilleures productions locales !
Si vous faites un petit tour le long du canal vous passerez sans doute devant la "Villa Marin", petite maisonnette aujourd'hui un peu abandonnée. Pour les besoins du chantier du barrage, un "pont transbordeur" avait été installé ici se souvient M. Alfred MICHALCKEVICZ un ancien du village de Domaize. Ce dispositif assurait la traversée de la Dore et la liaison entre la ligne de chemin de fer et le chantier du canal.
Le terme de pont transbordeur n'évoque sans doute pas ici ces gigantesques constructions métalliques que l'on peut voir dans les installations portuaires modernes, mais il s'agissait sans doute plus vraisemblablement d'un câble transporteur aérien tendu entre deux pylônes par dessus la rivière sur lequel circulait "en va et vient" un wagonnet ou une plateforme capable de porter plusieurs centaines de kilogrammes.
On retrouve assez fréquemment ce type d'installation dans les constructions de barrages de cette époque. Ce système est encore très utilisé de nos jours et porte souvent le nom de blondin en souvenir du célèbre funambule français Charles Blondin (de son vrai nom Jean François Gravelet né à Hesdin), qui, vers 1860, traversa sur une corde les chutes du Niagara !
N'exagérons rien, à Sauviat on est quand même bien loin des impressionnantes chutes de la rivière Niagara !! ... et le blondin installé en travers de la Dore devait être assez rudimentaire !
Ce rappel confirme toutefois le rôle joué par le chemin de fer à l'époque de la construction du barrage de Sauviat, dans les années 1900. La présence d'une voie de chemin de fer le long de la vallée de la Dore avait sans doute été un élément de poids dans le choix de l'emplacement du projet de barrage hydroélectrique étudié par Monsieur Fransisque FAY. Le train a dû représenter un appui de premier ordre pendant la construction du barrage en transportant au fond de cette vallée profonde du Livradois, matériaux de construction, personnel peut-être et aussi vraisemblablement matériels électromécaniques lourds (turbines, alternateurs, transformateurs, machine à vapeur, tuyauteries, ....).
Imaginez qu'il a quand même fallu transporter sur le chantier de Sauviat des éléments de plusieurs tonnes dans une zone d'accès difficile, à une époque ou le seul moyen de transport était, en dehors du chemin de fer, le chariot tiré par des chevaux ou des boeufs ! Point de camions en 1900 ! Point de route goudronnée ! Une France plus ressemblante au Far-West qu'au réseau de transport actuel !
L'installation de la centrale thermique devait en toute vraisemblance ressembler à celle de l'image de gauche.
Au premier plan, la machine à vapeur de taille modeste et au fond la génératrice électrique entrainée par une large courroie de cuir.
L'image de droite rend hommage au train qui sans doute amenait sur le site de Sauviat le charbon nécessaire au chauffage de la chaudière à vapeur. (image Agrivap)
Francisque FAY mourra en 1904 d'une accident électrique dans l'usine de Sauviat à l'âge de 28 ans au cours d'une opération d'entretien.
N'oublions jamais que le courant électrique peut tuer, même avec les tensions domestiques qui restent relativement modestes.
Sachez rester vigilants et prudents en toute circonstance !!!
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Pour terminer cette présentation, voici quelques précisions sur la construction du barrage de Sauviat. Profitons-en pour enrichir notre vocabulaire !!
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" ... Le mur du barrage comporte une âme en maçonnerie constituée d'agrégats de pierres liés par du mortier de chaux hydraulique. Les parties externes sont composées de moellons smillés de 40 cm de queue constituant un parement avec boutisse et carreaux ...". Extrait d'un texte ancien datant de l'époque de la construction du barrage - vers 1900. |
moellons smillés : Un moellon était un bloc de pierre de poids tel qu'il était transportable par un seul homme.
Un moellon smillé est un bloc de pierre, taillé en général en forme de parallélépipède rectangle à l'aide d'une smille, marteau à deux pointes utilisé par les tailleurs de pierre pour en dresser les faces.
Les moellons de parement du mur du barrage sont visibles sur la photo de gauche.
carreaux ou boutisse : moellons posés en bout de façon à ce que l'on voit la petite face en parement.
Après multes discussions, rédaction de cahiers des charges et signature de contrats, les travaux d'électrification de la ville ont été réalisés.
Tout n'a pas été simple. En plus, cette cité médiévale construite à flanc de coteau, a posé aux spécialistes plus d'un problème technique.
On a creusé dans le dur granit pour passer des cables souterrains et tirer des fils le long des façades des ruelles étroites n'a pas toujours été chose facile.
Enfin les travaux sont terminés. Monsieur le Maire peut inaugurer officiellement l'arrivée de l'éclairage public électrique au son de la fanfare.
La presse régionale et la Gazette locale se font l'écho de la fierté des habitants et de la satisfaction des industriels.
Gaziers et Electriciens, se serrent la main devant les photographes et promettent d'assurer un service de qualité aux concitoyens en liesse.
En 1906, il semblerait, au vue de la carte postale ci-dessus, que la ville de Thiers ait retrouvé son calme, après l'inauguration officielle, quelques années auparavant, de son premier réseau électrique.
Dans la longue rue qui mène à la gare, les paysans en biaude (blouse en toile bleue) croisent tranquillement les couteliers qui portent sur l'épaule quelque lourde caisse de lames !
Les fils électriques pendus aux façades, accrochés à leurs isolateurs de porcelaine blanche, ne dérangent plus les passants.
Le gaz n'a pas complètement disparu si l'on en juge au bec de gaz sur la droite de la photo. Gaz et électricité vivraient-ils enfin en parfaite harmonie ?
Ceci étant, plus de 300 lampes électriques éclairent la nuit les rues étroites du centre ville et des projets d'extension du réseau d'éclairage sont en cours. Le quartier éloigné de la Vidalie s'est encore mobilisé récemment pour avoir quelques lampadaires !
La puissance électrique installée pour faire tourner les moteurs qui était seulement d'environ 170 CV en 1903 atteint 800 CV en 1910 et près de 1200 à la veille de la Grande Guerre.
Elle aura plus que doublé dans les années 1920 pour dépasser 2500 CV soit environ 1,800 KW.
Au plus fort de l'année, la tumultueuse Durolle dont les eaux descendent en cascade depuis les limites de la Loire, ne serait capable d'une telle puissance potentielle !
Bien qu'il y ait eu révolution technologique, la ville continue de vivre à son rythme d'antan. Les meulent peuvent tourner pour émoudre l'acier et la roue à aube va pouvoir enfin se reposer !
Certes, le réseau électrique reste fragile. Les grandes sécheresses qui privent d'eau le barrage de Sauviat sont à craindre, mais l'électricité est là .... pour longtemps prévoient certains !
Cent ans après, les troubadours locaux chantent encore ces évènements hautement Historiques !!
Quant aux villages voisins, ils continuent à vivre au rythme du soleil. Hormis quelques privilégiés qui ont installé à titre privé une dynamo sur un ruisseau voisin, l'électricité n'est pas encore d'actualité.
L'électrification des écarts comme on disait alors, c'est à dire des campagnes, ce n'est pas pour tout de suite. Il faudra attendre encore ..... 20 ans.....jusque dans les années 1930 !
....et puis surtout, en attendant, il faudra construire des unités de production puissantes et fiables.
... et voir à connecter ensemble (interconnecter !) les réseaux pour s'épauler entre Sociétés productrices et éviter des pannes de fourniture. Les clients vont devenir exigeants avec le temps !!
Mais avant, un effort de standardisation et de normalisation des tensions et fréquences des réseaux sera indispensable.
Ne parlons même pas de la tarification et de la normalisation des prix de l'électricité ! Notion bien trop "moderne" qui ne sera pas d'actualité avant 1946 !
Sources : Cette page s'appuie sur l'intéressant essai réalisé par Monsieur Aldo Damaggio sur L'arrivée de l'électricité à THIERS. Je tiens à le remercier ici de m'avoir transmis un exemplaire de son étude ainsi que quelques images de sa collection.
Merci aussi à Monsieur C. Gathier adjoint au maire de Domaize qui m'a permis d'enrichir cette page par des informations rares et précieuses recueillies auprès d'anciens de la région du barrage de Sauviat.
Autre source : La Houille Blanche N° 12 de décembre 1907. Usine hydroélectrique de SAUVIAT et transport de l'énergie de Thiers à Vichy. P. BERGEON. Professeur à l'Institut Electrotechnique de Grenoble
Thiers une exception industrielle. Inventaire général des monuments et des richesses artistiques de France. Juillet 2004