Dans la première décennie du 20ième siècle, les premières stations de télégraphie de puissance commencent à être implantées sur le territoire nord-américain.
La Marconi Wireless Telegraph Co. qui industrialise et développe les inventions de Marconi, mais aussi d'autres sociétés telle la American De Forest Wireless Telegraph Co. ou la National Electric Signaling Co dirigée par Fessenden proposent leurs services dans des domaines où le câble reste encore une alternative économiquement intéressante.
Mais les succès remportés par cette nouvelle technique et l'amélioration constante des performances vont pousser les décideurs à investir rapidement dans de larges programmes d'équipement.
Plusieurs domaines sont concernés. On peut citer :
- Les liaisons à grande distance et en particulier les
liaisons commerciales transatlantiques,
- la sécurisation du trafic maritime civil,
- les transmissions militaires sur terre ou sur mer,
- la sécurisation du trafic des Steamships sur les Great lakes américains.
Dans ce domaine par exemple, Le département construction de la American De Forest Wireless Telegraph Co travaille jour et nuit dans les années 1904 pour ériger des stations de TSF depuis Rochester sur le lac Ontario, jusqu'à Duluth le point le plus à l'ouest du lac Supérieur à la frontière du Winsconsin et du Minesota.
Ainsi les bateaux pourront bientôt rester en contact permanent sur les lignes de navigation entre Bufallo et Détroit et ainsi se déplacer en toute sécurité dans des zones souvent dangereuses durant la saison hivernale.
Beaucoup de stations sont construites pour les besoins de l'US Navy qui se rend compte, après le désastre de Port-Arthur en février 1904, de la vulnérabilité de ses liaisons téléphoniques terrestres et sous-marines en particulier dans la région des Nouvelles Indes et des Caraïbes.
Ainsi la Navy fait construire à Washington, la station navale de Radio Virginia. Cet émetteur qui possède une antenne complexe supportée par 3 pylônes de grande hauteur restera longtemps le plus puissant du monde.
La station télégraphique de Cape Henry à Virginia Beach en Virginie assurait le trafic des bateaux de la Navy stationnés sur la base navale de Norfolk.
La station de télégraphie d'Anastasia implantée sur un cordon littoral, tout près de St Augustine en Floride avait elle pour vocation d'assurer les liaisons avec les navires qui croisaient dans le sud de l'océan Atlantique.
Plus au Sud, la station de Key West, elle aussi au service de la Navy, était le centre stratégique du Havana-Key West System qui assurait une liaison fiable avec Panama, Cuba et Porto-Rico.
En 1907, une station de forte puissance était en exploitation à Beaumont au Texas, en bordure du Golfe du Mexique.
On retrouve trace d'une autre station de puissance à Sanantonio dans le même Etat.
La Navy exploite aussi un nombre important de stations côtières sur la pacifique depuis la base navale de Point Loma (base navale de SanDiego) jusqu'à St Paul et St Georges deux îles désertes perdues au milieu de la mer de Bering. La station de Avalon était implantée sur l'île de Santa Catalina en face de Los Angeles.
A remarquer qu'avant 1909, toutes ces stations avaient un indicatif qui commençait par la lettre N (Navy).
L'Armée américaine de son coté exploite dès 1900 un réseau de stations qui relient les plus grandes places fortes d'Est en Ouest des Etats-Unis, jusqu'en Alaska où se trouve la station Saint Michael .
Elle dispose aussi, à la même époque, d'équipements mobiles de télégraphie.
Mais d'autres stations sont construites par des investisseurs privés ou le gouvernement américain avec des missions diverses soit commerciales (presse, informations boursières) soit d'intérêt plus général (météo, service des télégrammes).
La Station du Mont Tamalpais par exemple, près de San Fransisco en Californie, est vers 1910, l'une des plus hautes du monde.
La station Marconi de Wellfleet dans le Massachusetts, pas très loin de Boston dans la péninsule de Cape Cod (Wildlife Sanctuary), est un exemple de station de radiotélégraphie expérimentale implantée sur la côte Est en direction de l'Europe.
A quelque distance se trouvait la station de North Truro exploitée par le gouvernement américain.
D'autres stations ont été construites le long de la côte Est des Etats-Unis - par la MARCONI WIRELESS TELEGRAPH Co entre autre - pour sécuriser la navigation dans l'Atlantique nord : celles de Babylon et Rocky Point sur la Long Island par exemple puis celle de Sea Gate sur la Coney Island ont permis de guider les bateaux à l'entrée du port de New-York dès les premières années du siècle dernier (1905).
Dans la même région, la TELEFUNKEN Communications Company of Germany avait installé deux stations soeurs, une à Sayville sur Long Island (NY) et l'autre à Tuckerton dans le New Jersey.
On peut citer aussi la station de Siasconset installée sur l'île de Nantucket, qui retransmettra des messages (Marconigrams et Marconi Service Messages) envoyés depuis le Carpathia le 18 avril 1912, 2 jours après le naufrage du paquebot Titanic.
Mais Marconi n'est pas le seul à travailler au développement de la TSF. Fessenden est présent aussi sur la côte EST. Il construit, près de Boston, la station expérimentale de Brant Rock. Dès 1905, Fessenden teste dans cette station des émetteurs à ondes entretenues. C'est de cette station qu'il transmettra pour la première fois, en décembre 1906, la voix humaine au travers de l'éther.
Les Etats-Unis entrent en guerre le 6 avril 1917. Le Président Wilson ordonne à la Navy de prendre possession de toutes les stations de radio-télégraphie qui pourraient lui servir et de fermer les autres.
53 stations sont réquisitionnées parmi lesquelles beaucoup de stations Marconi. 28 sont maintenues en opération et les autres sont fermées.
Les radioamateurs sont interdits d'émettre. Aucun trafic commercial n'est autorisé sauf sous contrôle militaire excepté en Alaska.
Au moment de l'entrée en guerre des Etats-Unis, les stations de télégraphie suivantes constituent le premier réseau opérationnel (de guerre) géré par la U.S. Navy.
Station |
Indicatif |
Ville |
Région |
Commentaire |
U.S. Navy, for transpacific work | NPO |
Cavite | Iles Philippines | près d'être en service |
U.S. Navy, for transpacific work | - |
Heeia Point | Hawaii | |
U.S. Navy, for transpacific work | - |
Kahuku | Hawaii | |
U.S. Navy, for transpacific work | NPM |
Pearl Harbor | Hawaii | près d'être en service |
U.S. Navy, for transpacific work | NPL |
Point Loma | Californie | |
U.S. Navy, for transatlantic work | NAA |
Arlington | Virginie | |
U.S. Navy, for other work | NBA |
Darlen | Panama | |
Federal Telegraph Co., for transpacific work | - |
Lents | Oregon | |
South San Francisco | NPG |
San Francisco | Californie | |
Marconi Co., for transpacific work | - |
Bolinas | Californie | |
Marconi Co., for transatlantic work | NFF |
New Brunswick | New Jersey | |
Telefunken station for transatlantic work | NDD |
Sayville | Long Island, New York | |
Telefunken station for transatlantic work | NWW |
Tuckerton | New Jersey |
La situation sera maintenue jusqu'au 1 mars 1920, date à laquelle les stations sont rendues à leurs propriétaires. On peut supposer qu'ils recevront quelques compensations financières. Le gouvernement encouragera General Electric à former la Radio Corporation of America (RCA).
Après les années 1920, avec la mise au point de tubes d'émission de puissance, les émetteurs mécaniques seront mis au rebut ou finiront à la casse.
Vers 1930, avec la découverte de la physique quantique, les physiciens auront besoin de puissants électroaimants pour réaliser des expériences de physique nucléaire.
A l'université de Standford en Californie par exemple le Dr Earnest O. Lawrence (Prix Nobel de physique en 1939) apprend que la Navy a concervé un ancien émetteur à arc frère de l'émetteur de Bordeaux Lafayette. La Navy fera don de cette machine vieille de plus de 12 ans au savant avec la satisfaction de s'être débarassé d'un engin encombrant et inutile. Lawrence fera modifier le circuit magnétique et aménagera des dispositifs qui feront de cet ancien émetteur de télégraphie le premier cyclotron. |
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D'autres machines encore existantes seront aussi récupérées par l'université de Colombia et seront modifiées pour réaliser des expériences nécessaires à la mise au point des bombes d'Hiroshima et Nagasaki dans le cadre du projet Manhattan.