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Le canal de Nantes à Brest et la vallée du Blavet

Sa construction et ses heures de gloire

L'idée d'ouvrir une voie de navigation intérieure en Bretagne remonte au XVIe siècle lors de l'union du Duché de Bretagne au Royaume de France.



Le canal de Nantes à Brest
Tracé du canal
et emplacement du barrage de Guerlédan

Les relations entre la France et l'Angleterre la Hollande et l'Espagne suite à la montée en puissance du pouvoir royal sous Louis XIV conduisent en effet à la nécessité de fortifier nos côtes et notamment les ports de Saint-Malo, Morlaix, Brest et à faire étudier la mise en place d’un réseau de canaux à l'intérieur des terres pour relier ces différentes places fortes en cas de blocus maritime. Mais le projet sera abandonné par manque de crédits et ne sera pas repris à l'époque de la Révolution.

En 1803, par crainte semble-t-il d'une nouvelle détériorations de nos relations avec l'Angleterre, le Premier Consul réouvre le dossier et prend la décision de relier ses arsenaux de Brest et de Lorient à la cité Nantaise. Il demande de faire construire un canal de Nantes à Brest pour des besoins stratégiques certes, mais aussi économiques dans une Bretagne qui a du mal à se développer par manque de moyens de transport.

En 1804, Guy Bouessel, ingénieur en chef des Ponts et Chaussées est missionné pour "Rédiger sur toute cette navigation de Nantes à Brest un mémoire raisonné, avec plans, cartes, nivellement, profils et jauges à l’appui". Mais le projet sera ralentis par les dépenses de guerre et les évolutions des rapports diplomatiques entre la France et l'Angleterre et il faudra attendre début 1810 pour connaître la fin de l’étude et 1811 pour voir la pose de la première pierre du canal à Châteaulin dans le Finistère !

L'ensemble des travaux ne sera pas terminé avant 1848 et l'inauguration officielle du canal sera faite en présence de Napoléon III et de l’Impératrice Eugénie en 1858.

Le tracé final du canal emprunte une suite de vallées et la partie creusée de main d'hommes ne représente que 20 % de sa longueur totale qui est d'environ 350 Km.

Le reste du parcours emprunte le cours normal de 8 rivières aménagées pour les rendre navigables et canalisées pour assurer une gestion optimale de l'eau. La partie basse de la vallée du Blavet entre Pontivy en limite des côtes d'Armor et Hennebont au Nord de Lorient sera aussi canalisée de façon à relier Lorient à Brest et Nantes pour le convoyage de matériels pour la marine, mais surtout d'ardoises pour la construction extraites des ardoisières réputées à l'époque de la région de Pontivy et de Mur de Bretagne.

Compte tenu de la géographie locale, il aura été nécessaire de mettre en place tout au long du canal environ 238 écluses. De Hennebont, à Pontivy par exemple, ce sont pas moins de 28 écluses qui rythmaient la navigation sur les 59 kilomètres de la vallée du Blavet canalisé reliant ces deux villes.



Le canal de Nantes à Brest
Tranchée de Glomel (seuil de partage entre Aulne et Blavet)
Photo Jacques Mossot - Structurae

A Glomel, le canal de Nantes à Brest atteint le point culminant de son parcours (184 mètres au dessus du niveau de la mer). Pour aménager le canal, une grande tranchée a été creusée par les bagnards (surtout ceux de Brest) et autres forçats entre 1824 et 1836 sur une profondeur de 23 mètres, une largeur de 100 mètres et une longueur de 4 kilomètres. Le bief, créé en réalisant les étangs artificiels de Trébel et Mézouët, alimenté par l'étang du Corong retenu par un barrage de granite, permet de relier les deux versants du canal, celui de l'Aulne et celui du Blavet. Un grand nombre écluses jalonnent le cours du canal de part et d'autre de la tranchée, pour récupérer des variations de niveaux importantes et rapides.



Le canal de Nantes à Brest
Tranchée de Glomel
Ecluse double de Coat-Natous

Une fin rapide

Le développement du chemin de fer à partir des années 1850 puis, vers 1911, de la ligne Carhaix-Châteaulin-Camaret, la construction de routes pour véhicules automobiles, mettront un point final au fret par voie d’eau douce entre Nantes et Port-Launay dans la rade de Brest. Le gabarit trop faible du canal pour la batellerie des années 1930 contribuera aussi à l'arrêt définitif du commerce fluvial.

La concurrence des ardoisières d'Angers plus près de la capitales mettra un terme aussi à l'activité bretonne et conduira à un dépleuplement important du Morbihan.

Dans cette région bretonne, des précipitations fréquentes, pouvant atteindre 1 500 mm par an sur les points culminants alimentent de façon régulière un réseau hydrographique important et un dénivelé moyen supérieur à une centaine de mètres confère un potentiel énergétique hydraulique important.

Alors si l'eau douce ne représente plus une source indispensable à l'alimentation du canal, peut-être pourrait-on l'utiliser en aménageant de possibles chutes prometteuses de force hydro-électriques.

Le Barrage de Guerlédan

Dans les années d'après guerre, vers 1920, tous les responsables de France étaient hantés par l'évidente nécessité d'électrifier les villes et les campagnes.

Les populations urbaines demandaient aux communes d'installer un éclairage public des rues, les industriels souhaitaient disposer de moteurs puissants pour remplacer les roues à aubes et pouvoir installer des usines loins des cours d'eau, le monde paysan attendait beaucoup des matériels nouveaux capables de remplacer le bras de l'homme ou la force animale pour labourer les terres, moudre le blé ou tronçonner les bois.

Même si on ne retrouvait pas en Bretagne les grands centres industriels du Nord, les experts s'accordaient pour reconnaître que cette région de France, éloignée géographiquement des grandes régions productrices d'électricité, devait se doter de moyens de production locaux pour répondre aux besoins en énergie électrique.

Il y a de l'eau en suffisance en Bretagne, Le relief et la nature des sols permet en de nombreux endroits la construction de barrages de retenue de taille suffisante pour envisager l'installation de groupes de production d'électricité économiquement rentables.

Certes, à cette époque, tous les élus locaux n'étaient pas convaincus de l'avenir de la houille blanche. Certains mêmes bien sur étaient de farouches opposants au développement de ces techniques nouvelles pour des raisons techniques sans doute, mais aussi il ne faut pas le taire, pour des problèmes d'intérêts personnels ou politico-financiers.

Sans la force de conviction d'un certain nombre de techniciens convaincus et d'experts au dessus de tous soupçons, sans l'appui de responsables de l'Administration, sans l'aide de financiers, banquiers voire de mécènes, la réalisation de projets ambitieux de réalisation d'installations hydro-électriques n'auraient pas été possible à l'époque dans de nombreuses régions de France.

Pontivy aura la chance d'avoir vu naitre en 1889 Auguste Leson qui, après avoir fait de brillantes études secondaires au lycée de la ville, alla poursuivre ses études à l'Ecole Supérieure d'Electricité et revint au pays natal quelques années plus tard, diplôme en poche, avec la conviction qu'il était possible de conduire un grand projet d'électrification de la région et de construction des moyens de productions hydro-électriques associés.

Auguste Leson, après avoir passé quelques années de galère à expliquer sa vison des choses, convaincre les septiques, rassembler les partisans, avec l'aide de Joseph Ratier sous-prefet, observateur et fin visionnaire, réussit à mettre en forme, à faire valider par les meilleurs experts parisiens et faire adoper par les autorités concernées le projet de construction d'un barrage de grande taille dans la vallée du Blavet.

Notons pour la petite histoire que ces deux personnages ont été mis en contact par l'intermédiaire d'un professeur de philosophie M. Stéphane Strowski, homme très ouvert aux évolutions technologiques de son époque.

Bien sur, barrer le canal de Nantes à Brest en son beau milieu en noyant 18 des écluses n'aurait pas pu être accepté sans la promesse de réaliser un canal de dérivation qui contournerait l'ouvrage et garantirait la continuité du trafic fluvial.

Un décret du 30 août 1923 accorde à la Société Générale d'Entreprise (SGE) la "concession de l'aménagement du barrage hydro-électrique de Guerlédan sur le Blavet". Parmi les premiers actionnaires se trouve la ville de Lorient qui y voit ainsi l'opportunité d'obtenir une électrification rapide.

L’ouverture du chantier aura lieu immédiatement.

En mars 1924, un décret en Conseil d'Etat substitue la société de l'Union Electrique Armoricaine à la SGE (Société Générale d'Entreprises). Le 21 mai 1924, les travaux d'établissement de l'usine hydro-électrique de Guerlédan sont déclarés d'utilité publique.

l'arrêté préfectoral de mise en service de l'usine sera signé le 26 octobre 1930.

En 1946, EDF récupère les biens, droits et obligations de l'exploitation, en vertu de la loi sur la nationalisation du gaz et de l'électricité.

En 1953, un avenant à la convention de concession abandonne l'idée d'imposer à la société concessionnaire la mise en place d'un système de contournement du barrage permettant le passage des bateaux, en raison du coût trop élevé des travaux et de la diminution importante du trafic sur le canal de Nantes à Brest.

La concession des chutes, arrivée à expiration en 2005, a été renouvelée.

La construction de l'ouvrage aura duré sept ans.

Le barrage de Guerlédan retiendra une réserve de 55 millions de m3 d'eau sur une étendue de 400 hectares, créant ainsi le plus grand lac de Bretagne.


Le barrage de Guerlédan
vues actuelles de l'ouvrage

Le mur mesure 45 mètres de hauteur (au total 54 m si l'on prend en compte les fondations) et fait 206 mètres de longueur à la crête.



Début des travaux
Photo prise en juin 1923

On voit très bien sur cette image l'emplacement du canal de Nantes à Brest, partie qui sera noyée lors de la mise en eau du barrage.

La construction du mur nécessitera la coulée de plus de 110 000 m3 de béton.



Une partie du mur
La paroi de béton a une largeur de 33,50 m à la base et de seulement 1,50 m à la crête

Contrairement à un certain nombre de barrages construits à la même époque avec une âme en maçonnerie constituée d'agrégats de pierres liés par du mortier de chaux hydraulique, ce barrage est entièrement réalisé en béton. C’est l'un des premiers ouvrages de ce type en France.

Au vue de la photo, la masse de matériaux employée est assez imposante en comparaison de ce qui se fait de nos jours. Il semblerait par contre que ce béton soit relativement peu armé (ferrayé comme disent les spécialistes), voire pas armé du tout.

Les dimensions du mur, permettent de comprendre que la tenue d'un tel ouvrage est due à son imposante masse qui est capable de résister à la pression de l'eau stockée dans la retenue supérieure.

Toutefois ces ouvrages bougent un peu sous l'effet des forces auxquelles ils sont soumis. Une surveillance des déplacements qui peuvent atteindre plusieurs centimètres est faite à l'aide de systèmes pendulaires installés dans des galeries à l'intérieur du mur.

La retenue d'eau a englouti plus de 12 km de vallée et a noyé 18 écluses sur une partie du canal de Nantes à Brest.

Lors des vidanges du lac, il est encore possible de voir l'ancien tracé du canal, quelques murs de maisons éclusières, le chemin de halage, les écluses et ses déversoirs.

Le barrage est équipé d'un déversoir de crue en rive droite de 22m de long à 2 passes équipées chacune d'une vanne secteur munie d'un clapet.

Les deux vannes permettent d'évacuer un débit maximum de 500 m3/seconde soit plus du double du débit de crue maximal observé sur le Blavet.



Le déversoir de crues
Installation servant à protéger le barrage en cas d'arrivée massive d'eau

A environ un kilomètre du site, se trouve le transformateur haute tension de l'usine qui est relié au réseau interconnecté 400 KV.

Pour mémoire, à côté se trouve un grand bâtiment en béton "bunkerisé" qui devait contenir le transformateur construit sous la direction des allemands pendant la Seconde Guerre mondiale afin de sécuriser la fourniture d'électricité à l'arsenal de Lorient.

Rappel historique

Il faut se rappeler que pendant la deuxième guerre mondiale, l'occupant avait décidé, vers 1941, d'ériger à Lorient, la plus grande des bases de sous-marins allemands et d'y installer les deuxième et dixième flottilles de U-boote. La stratégie de l'amiral Dönitz, Befehlshaber der U-Boote et Oberbefehlshaber der BlavetKriegsmarine (commandant des sous-marins et commandant en chef de la marine de guerre), qui avait installé son commandement à Lorient, était d'étrangler le Royaume-Uni qui continuait le combat contre l'Allemagne nazie, en coulant les navires qui traversaient l'Atlantique pour la ravitailler.

On peut imaginer le caractère stratégique de la fourniture d'électricité à cette base de guerre. Les lignes d'alimentation et les ouvrages de production locaux était fortement protégés par la Flak (FliegerAbwehrKanone - défense anti-aérienne - DCA) et des ballons captifs et les matériels sensibles abrités dans des bunkers quasi indestructibles par l'aviation alliée, ouvrages encore visible de nos jours.

Souvenons nous que Lorient sera presque entièrement rasée en 1943-1944 par les bombardements alliés qui échoueront dans l'objectif de détruire la base des sous-marins, malgré le déversement de 4 000 tonnes de bombe.

Le barrage de Guerlédan continuera de façon quasi constante à fonctionner pendant toute cette période de guerre.



Une partie du mur en construction
Photo prise en 1927


Barrage de Guerlédan
Les conduites forcées d'amenée d'eau aux turbines
3 conduites forcées de 1.70m de diamètre et une de 2.20m de diamètre


Barrage de Guerlédan
La salle des machines

La salle des machines comporte 4 groupes turbo-alternateurs.

Les groupes sont à axe horizontal et comportent une turbine dite à aspiration, (de type Francis vraisemblablement à une seule roue), couplée à un alternateur. La disposition à axe horizontal présente un certain nombre d’avantages qui la font préférer en général lorsque ni la puissance ni la chute ne sont trop élevées ce qui est la cas à Guerlédan. Un des principaux avantages de ce type de conception est que la turbine, l'alternateur et les mécanismes de réglage se trouvent au même niveau, ce qui facilite l’entretien du groupe.

La turbine étant dite de type à aspiration, cela signifie que la sortie de la roue doit être mise en communication avec le canal de fuite de la machine par l’intermédiaire d’un "aspirateur-diffuseur" dont le but est d'améliorer le rendement de la turbine. Ce dispositif est constitué en général par un divergent (en tôle) qui transforme une partie de l'énergie cinétique de l'eau en pression et fait gagner quelques points de puissance mécanique sur l'arbre.

Sur ce type de machines, l'arrivée d'eau sur la turbine est réglée par une vanne (ou un distributeur) de régulation pilotée par un système hydraulique qui contrôle la vitesse de rotation du groupe et un organes de garde (robinet papillon) est en général installé en amont de la bâche pour assurer une coupure rapide du débit d'eau et la protection de la machine lors d’un arrêt (protection contre l'emballement du groupe - survitesse par rapport à la vitesse de synchronisme).

La chaine de régulation et le temps de réponse des organes réglants sont bien sûr paramétrés pour éviter des "coups de béliers" dans l'installation lors de brusques variations de puissances liées à la demande du réseau électrique.

Les conduites forcées, sont équipées de cheminées d'équilibrages qui les protègent contre d'éventuelles surpressions liées à des coups de béliers ou des instabilités en fonctionnement. On note aussi sur la photo, la présence de clapets en partie basse des tuyauteries. Leur fonction reste à préciser, mais ces organes pourraient aussi participer à la protection des conduites contre des surpressions ou peut-être aussi des mises en dépression (casse-vide).

Côté alternateur, l'inducteur tournant comporte 6 paires de pôles. Pour produire du courant à une fréquence de 50 Hz, ces machines doivent donc tourner à 500 t/min.

La puissance initiale des trois premiers groupes mis en service en 1930 était de 3 MW chacun. Un quatrième groupe a été ajouté plus tard d'une puissance sans doute supérieure compte tenu du diamètre plus grand de la conduite forcée d'alimentation de sa turbine.

Un Projet inachevé

A l'origine, le projet prévoyait la construction d'une échelle d'écluses en parallèle au barrage afin de maintenir la continuité du trafic sur le canal de Nantes à Brest.

Ce projet n'a jamais abouti, ce qui a conduit à sectionner le canal en deux tronçons de navigation : à l'ouest, la branche finistérienne et à l'est, la branche Loire Atlantique et morbihannaise.

De fait, le barrage accéléra l'abandon progressif du canal déjà mis à mal par l'arrivée du chemin de fer dans le centre Bretagne.

Production et aspect énergétique

La hauteur de chute brute du barrage est de 42,45 m et le débit maximum dérivé aux turbines est de près de 50 m3/seconde.


Pour les matheux, rappelons que la puissance théorique d'une installation hydraulique est proportionnelle à la hauteur de chute nette du barrage et au débit de la turbine :

Ph=ρ.g.Hn.Q

Ph=puissance hydraulique en W
ρ=masse volumique de l'eau en Kg.m-3
g=accélération de la pesanteur en m.s-2
Hn=hauteur de chute nette en m
Q=débit turbiné en m3.s-1.


Pour une hauteur de chute d'environ 42 m et un débit de 50 m3.s-1 en prenant la masse volumique de l'eau égale à 1000 Kg.m-3 et une accélération de 9,81 m.s-2, on trouve une puissance hydraulique brute d'environ 20,000 kW soit 20 MW.

Pour avoir une valeur pratique de la puissance électrique dont on peut disposer avec une telle source hydraulique, il conviendrait de tenir compte du rendement global de l'installation qui peut varier suivant le type de turbine, l'implantation et la longueur des tuyauteries d'amenée d'eau, et leur nature (ici conduites forcées en acier quasi linéaires) et de bien d'autres facteurs. Ce rendement reste toutefois très élevé sur ce type d'installations et on peut compter sur un rendement global supérieur à 80% (rendement tenant compte de l'hydraulique de l'installation, du système de couplage mécanique s'il y en a un et de la génératrice électrique).

Ce calcul très grossier et rapide donne toutefois un résultat très près de la réalité puisque la puissance de la centrale est donnée pour 16 MW électriques.

La production annuelle varie beaucoup et est très dépendante bien sûr du débit du Blavet. La valeur moyenne est d'environ de 20 à 25 GWh/an d'électricité avec un minimum noté de 13 GWh en 1953 et un maximum de 43 GWh en 1960.

Si l'on ramène cette valeur à la production d'une installation qui fonctionnerait 8000 heures par an (24h/24 presque toute une année avec un court arrêt pour maintenance) la puissance équivalente serait de 2,5 MW.

On en déduit donc immédiatement que l'installation est loin de fonctionner en permanence à pleine puissance.

D'où la distinction importante à faire entre puissance installée et production d'énergie électrique sur une durée définie (1).

On comprend à partir de ces chiffres, que la production électrique de ce type d'installation reste liée à l'approvisionnement en eau du réservoir du barrage et que compte tenu des variations saisonnières du débit de la rivière, il est à même de produire beaucoup ou moins de courant dans la limite de variation de niveau acceptable du plan d'eau de la retenue.

Dans le cas du barrage de Guerlédan, en été, avec un débit d'étiage du Blavet mesuré de 1,5 m3/seconde par exemple, il n'est sans doute pas possible de turbiner de l'eau pendant longtemps avant d'abaisser de façon importante le niveau de la réserve d'eau.

On comprend ainsi la difficulté de gérer l'eau dans de telles installations surtout de nos jours où les plans d'eau sont souvent aménagés pour des activités nautiques et touristiques d'été.


(1) Si vous souhaitez par exemple installer une éolienne de 100 KW, n'imaginez pas que vous allez produire 100 X 8760 = 876 000 KWh par an d'électricité (1 an = 24 X 365 = 8760 heures). Les jours sans vent vous ne produirez pas grand chose de même que les jours de tempête. Il faudra sans doute arrêter l'installation pour maintenance quelques jours par an et règler la puissance en fonction de la demande en énergie (sauf si vous avez un client captif qui vous achète la totalité de la production possible ! ). Si on regarde quelques articles disponibles sur le sujet, il est souvent indiqué qu'une éolienne installée en France produit en général par an l'équivalent de 2500 heures de pleine puissance ou cela revient au même de dire qu'elle fonctionnerait en permanence à une puissance de l'ordre de 30 % de sa puissance maximale de dimensionnement ! Votre éolienne ne produira donc vraisemblalement pas plus de 280 000 KWh par an. L'investissement sera sans doute moins facile à amortir dans ces conditions !

N'oubliez pas non plus que l'électricité ne se stocke pas et que la production doit en permanence égaler la consommation sous peine de disfonctionnement du système électrique (ce que les spécialistes appellent black-out ou écroulement du réseau électrique). Souhaitez que le vent soit là quand vous aurez un besoin en électricité !

Alors pas de confusion. Ne confondez plus puissance installée et énergie produite !


ooOoo

Le barrage est actuellement la 4ième source d'électricité de Bretagne et contribue ainsi à réduire le déficit énergétique de cette région. Sa production est capable de satisfaire les besoins d'une ville de 15 000 habitants comme par exemple Hennebont qui n'est pas très loin du site.


Commentaire

L'histoire de la réalisation du projet de barrage du Blavet est certes unique, mais contient des éléments que l'on retrouve autour de beaucoup de réalisations de grande ampleur. On pourrait citer les grands projets de tracés du chemin de fer, les constructions de monuments d'exception comme la Tour Eiffel ou La Grande Arche à Paris, plus près de nous le programme électro-nucléaire et celui de développement des énergies renouvelables solaire ou photovoltaïques, enfin des programmes comme la mise en place d'une Radio diffusion nationale ou de passage à la télévision numérique.

Il apparait tout d'abord que ces projets ne peuvent se réaliser s'ils ne sont pas la réponse à un besoin exprimé de façon explicite ou non par une large part de la population.

Ainsi, chaque projet aura inévitablement ses supporters et ses détracteurs. Sans l'accompagnement d'une équipe solide et cohérente pilotée par un leader qui va en faire la promotion et le conduire jusqu'à la décision finale de réalisation, il a peu de chance d'aboutir.

Le deuxième élément réside dans le fait que compte tenu de la complexité de ces grandes réalisations (que ce soit une complexité d'ordre technique, juridique, financier, environnementale, ou autre) et de l'extrême difficulté à tout expliquer à une population non spécialiste, il convient de traiter l'information avec prudence, transparence, mais sans arrogance et en instaurant, autant de faire se peut, un climat de confiance entre spécialise expert et candide curieux. Cela implique que les acteurs du projet soient de bons communicants capables d'animer de façon intelligente un réseau relationnel complexe et mouvant.

Le dernier élément important est qu'il convient d'assurer un contrôle externe de l'avancement de ces projets par des experts reconnus de façon à éviter toute dérive technique ou financière, toute appropriation par des groupes de pression (choix des options techniques) et toute dérive dans les réalisations (malfaçons liées à la recherche de gains financiers, pots de vins , ...).

Cela implique en particulier que l'équipe de projet mette en place des moyens permettant d'identifier à temps toute manoeuvre entreprise par des interlocuteurs peu scrupuleux voire malveillants dont l'activité viserait au non succès du projet et pourrait de toute façon conduire à des retards et des surcoûts qui le mettrait temporairement ou définitivement en péril.

Mérite le détour

Si vous faites du tourisme dans la région, n'hésitez pas à aller visiter l'Electrothèque de Guerlédan à Saint-Aignan. Vous y découvrirez l'Histoire de la construction du barrage de Guerlédan et des animations sur l'électricité.

Adresse et renseignements : Musée Electrothèque de Guerlédan - Le Bourg 56480 ST AIGNAN - Tél. : +33 (0)2 97 27 51 39 - afee@wanadoo.fr


Sources :

  1. Guerlédan, Mémoires du constructeur du barrage et de l'usine (1921-1937) - Auguste Leson - Éditions des Montagnes Noires, 2002
  2. Le Barrage de Guerlédan. Extraordinaire aventure. Saint-Aignan (Morbihan), Électrothèque de Guerlédan

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