Pendant le 18ième siècle, les Expositions Internationales sont l'occasion pour les plus grandes puissances industrielles d'exposer leurs capacités techniques, leur savoir-faire et leur puissance économique dans une rivalité qui se veut loyale et pacifique.
De telles manifestations auront lieu à Londres en 1851 et 1862, à Paris en 1855, 1867, 1878, 1889, 1900, à Vienne en 1875, à New-York en 1851 et à Philadelphie en 1876 par exemple dans une liste non exhaustive si l'on compte des expositions très spécialisées comme celle tenue à Besançon en 1860 sur le thème de l'horlogerie ou à Melbourne en 1880 plus centrée sur les Arts et produits industriels et agricoles.
Nous sommes sous le second Empire
Dès 1864, l'empereur Napoléon III avait décidé que la prochaine exposition universelle aurait lieu à Paris en 1867.
La capitale est toute neuve. Les grands travaux du baron HAUSMANN sont quasi terminés. L'exposition universelle doit marquer l'apogée du second empire et le triomphe du libéralisme saint-simonien qui voit dans les Sciences et le début de l'industrialisation, le moteur du progrès social.
L'exposition s'inscrit en effet dans un contexte marqué par la convergence de trois évolutions entamées un siècle plus tôt : la libéralisation des échanges ; la réforme de l'enseignement professionnel et technique, rendue nécessaire par le développement de nouvelles méthodes de fabrication liées à la mécanisation et enfin la défense de la supériorité française en matière d'arts décoratifs et de qualité esthétique des productions.
Les avancées techniques sont centrées sur la recherche et la mise en oeuvre de nouveaux moyens de productions dans lesquels la machine remplace l'homme dans les taches les plus répétitives.
L'énergie de l'eau est remplacée par la vapeur et de nouveaux matériaux comme l'aluminium font leur entrée dans la production industrielle.
Le public a surtout plaisir à découvrir nos colonies, ses populations mais aussi les richesses dont elles disposent : fruits exotiques, faune et flore, mais aussi huile de pétrole, pierres précieuses, objets d'art et monuments historiques. C'est l'époque des grandes expéditions composées des meilleurs ethnologues, géologues, archéologues, médecins, anthropologues, naturalistes, ornithologues, photographes, etc qui appliquent sur le terrain des méthodes rigoureuses d'étude et de prospection et rapportent une masse énorme d'informations scientifiques sur l'Afrique, l'Asie, l'Amérique ... les inuites, les papous, les indiens d'amérique du Sud.
C'est aussi l'époque de la conquête de l'Ouest américain, des ruées vers l'or, des pionniers de l'Orégon, des Buffalo Bill, des Custer et des Guerres Indiennes dont l'histoire commence à être connue en Europe.
Les pays industriels découvrent les civilisations primitives et les cultures anciennes en particulier suite aux découvertes faites en Egypte (travaux d'Auguste Mariette pour n'en citer qu'un) et en amérique centrale (Frederick Catherwood et ses travaux sur la civilisation Maya).
L'Angleterre reste dans le peloton de tête des grandes puissances économiques, l'Amérique sortie de la Guerre de Sécession reste économiquement puissante et a développé pour ses besoins de guerre de nouvelles technologies qui trouvent rapidement des applications civiles. De nouveaux pays émergent tel le japon qui semble se rapprocher de la culture occidentale.
Pour conclure, l'exposition aura montré que la France rentrait pleinement dans la civilisation industrielle : sa sidérurgie était vigoureuse, son industrie de construction mécanique dynamique, même si ses résultats dans le domaine de la chimie étaient plus mitigés et restaient en retrait par rapport à l'Angleterre et à la Prusse.
Mais les dernières inventions et découvertes en matière d'électricité restent encore sans réelle impact médiatique et sans application pratique importante en dehors de la pile de Monsieur Volta qui est cependant encore souvent considérée comme un objet ludique réservé pour animer quelques expériences "électriques" de salon dont raffole à l'époque la bourgeoisie parisienne.
La France vient de vivre la chute du Second Empire, la défaite de Sedan, la Commune, la proclamation de la troisième république.
L'Exposition de Paris de 1878, tenue en pleine période de crise politique, devra être malgré tout à l'image d'une France qui veut retrouver sa place au niveau international.
La manifestation aura eu, malgré une situation politique mondiale assez trouble, un large retentissement international avec 16 millions de visiteurs.
Cette exposition, placée sous le signe des nouvelles technologies, a été l'occasion de présenter les dernières inventions parmi lesquelles le téléphone (1876 Alexander Graham BELL), le réfrigérateur (1876 Carl von Linde), le marteau-pilon (1876 usine du Creusot - François Bourdon - machine de 100 t) ainsi que le praxinoscope (1877 Émile Reynaud) ancêtre des dessins animés et du cinéma.
L'original de la tête de la statue de la Liberté d’Auguste Bartholdi qui ne sera envoyée à New-York qu'au printemps 1886 sera exposée devant le Grand Palais et restera une des attractions importantes de cette manifestation.
Mais elle sera surtout l'occasion pour un large public de découvrir les premières applications de l'électricité.
... et la première application la plus spectaculaire sera assurément l'éclairage public des rues et avenues de la capitale.
Le 3 mai 1878 à 8h00 du soir, quelques jours avant l'ouverture officielle de l'exposition universelle, 32 globes illumineront, pour la première fois, d'une lumière blanche et douce l'Avenue de l'Opéra. Ce sera la toute première démonstration, en France, d'éclairage urbain à l'aide de lampes à arc (lampes équipées de bougies de Jablochkoff).
Rappelons qu'à l'époque les seuls moyens d'éclairage existants étaient la chandelle, la lampe à pétrole et le bec de gaz pour un usage domestique et le bec de gaz pour l'éclairage public.
A Paris, les dernières lanternes à gaz seront converties à l'électricité vers 1960 ! Qui aurait cru ?
Mais ce n'est qu'un début !
Dans cette seconde partie du siècle, l’électricité, nouvelle source d'énergie, va prendre naturellement une place de plus en plus importante dans ces différentes manifestations.
L’exposition de Paris de 1881 va dans ce domaine avoir un éclat tout particulier.
C’est en effet la première fois qu’une exposition internationale est entièrement consacrée à l’électricité et à ses applications.
Cette rencontre prendra même une importance particulière avec l’organisation, pendant l’exposition, du premier Congrès International des Electriciens.
Pour situer l'importance de ce congrès, il faut se souvenir qu’à l’époque il n’y a encore aucune unité admise unanimement en électricité. Or, après bien des discussions et des querelles de chapelles comme on peut l'imaginer, l’Ohm, l’Ampère, le Volt, le Coulomb et le Farad voient officiellement le jour les 17 et 20 septembre 1881.
750 000 personnes visiteront l’exposition entre août et novembre 1881 ; chiffre important, mais bien modeste comparé à celui de l'exposition universelle de 1900 qui accueillera plus de 50 millions de visiteurs !
Dès l’entrée dans le Palais des Champs-Élysées, le spectacle était, écrivait-on, grandiose.
Au milieu du hall, un phare électrique, modèle de ceux qui devaient être installés sur les côtes éclairait la salle de ses feux tournants de différentes couleurs.
Rappelons que le premier phare électrifié en France a été celui de La Héve en 1863 équipé d'une machine magnéto-électrique de la Compagnie l'Alliance de première génération et que l'ensemble des phares fonctionnent encore, en 1881, avec des brûleurs à pétrole qui ne seront pas remplacés par des lampes électriques avant les années 1890.
L'ensemble des produits exposés tourne autour de deux thèmes majeurs : l’éclairage et l'ensemble des technologies nécessaires à la production de l'électricité, à son transport et à sa distribution.
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L'exposition sera l'occasion pour de nombreux industriels de présenter leurs derniers modèles de matériels.
La lampe à arc de brevet MERSANNE, par exemple, faisait partie de ces nouveautés. Quelques exemplaires de démonstration éclairaient une partie de la nef centrale de l'exposition et plusieurs salles du premier étage.
Sa forme spéciale donnait dit-on un éclairage très blanc et de forte intensité.
Mais les lampes à incandescence d'Edison, Maxim, et Swan sont les attractions de l'exposition que le grand public découvre pour la première fois.
Ces composants viennent tout juste d'être mis au point et leur production industrielle commence dans différentes entreprises dont la Edison Electric Light Company fondée par EDISON l'année précédente.
Le public fasciné par ce nouveau moyen d'éclairage comprend vite qu'une réelle mutation technologique est en cours et que ces nouvelles lampes, bien qu'un peu chères compte tenu de leur durée de vie encore limitée, viendront à brève échéance remplacer les becs de gaz et les lampes à pétrole.
En plus, des progrès et des adaptations techniques vont inévitablement améliorer les fabrications tout en abaissant les coûts comme il en est toujours des produits nouveaux !
Il est vrai qu'une normalisation des culots de lampes est une obligation à court terme pour permettre une adaptation universelle de ces produits.
A l'heure de l'exposition, il existe au moins une trentaine de sortes de culots, du culot à vis type EDISON que nous connaissons encore aujourd'hui, au culot baïonnette proposé par SWAN en passant par le culot de WESTINGHOUSE et celui de THOMSON-HOUSTON à trou taraudé.
Cette multiplication du nombre de formes de culots s'explique entre partie à l'époque par la nécessité pour les fabricants de contourner les brevets d'Edison, sous peine de poursuites juridiques.
Ceci étant, les petits fabricants vont rapidement disparaitre, au Etats-Unis entre autre - ou seront rachetés par la Edison Electric Light Company - plaçant rapidement celle-ci en position de monopole.
Il y a là, sans doute, une explication de la disparition de nombreux modèles de culots et de la standardisation du culot à vis EDISON au niveau mondiale via les filiales du groupe.
Les constructeurs restés en dehors du groupe Edison, vont rapidement comprendre l'enjeu économique de cette normalisation et après quelques années il ne subsistera plus que les deux modèles encore exploités de nos jours (culot à vis et système à baïonette qui du reste tend lui-même à disparaitre dans notre pays actuellement et a déjà quasi disparu en Europe.)
Équipé, à l'origine, d'une multitude de flammes et de globes alimentés au gaz, le lustre de l'Opéra de Paris, immense création de cristal et de lumière, d'un poids avoisinant les sept à huit tonnes et qui participe de façon indéniable à l'ambiance et à la magie des lieux, est, depuis 1881, alimenté à l'énergie électrique.
Pour les constructeurs, il est clair qu'il convient de proposer aux clients potentiels non seulement des lampes d'éclairage mais qu'il faut aussi qu'ils puissent assurer la fourniture des outils de production d'électricité et de l'ensemble des composants de la chaîne technique (interrupteurs, systèmes de protection, conducteurs, etc).
Ainsi, un gros plan est fait sur les différents stands, sur l’utilisation des génératrices électriques de forte puissance, machines toutes nouvelles dont le développement a fait des progrès énormes depuis les expositions antérieures de seulement quelques années.
Pour la France, Marcel DEPREZ présente pour la première fois une installation de distribution d'énergie électrique alimentée par deux dynamos.
Il médiatise le terme de Houille Blanche qu'il donne à la production d'électricité d'origine hydraulique et montre sur son stand un ensemble de jets d'eau animés par des pompes électriques !
Pour Deprez et ses amis, l'avenir est sans aucun doute au courant continu et un éclairage médiatique important est mis sur ses travaux. C'est dans ce contexte difficile qu'il réalisera l'année suivante, avec le soutien financier des chemins de fer du Nord et du banquier Rothschild, une expérience de transport d'électricité sur une distance de quelques kilomètres et en 1883, un autre test entre Vizille et Grenoble sur une distance de 14 km, toujours en courant continu.
En 1884, grâce à des travaux supervisés par Marcel DEPREZ et suite vraisemblablement à l'impact des présentations faites lors de l'exposition de Paris, la Ville de Bourganeuf située dans le département de la Creuse fait installer un éclairage électrique public (les 60 lumières de Bourganeuf) alors que des transactions commerciales étaient en cours pour déployer un éclairage au gaz. Elle aura ainsi été la troisième ville française à recevoir l'électricité en courant continu. Un peu avant, l'usine électrique Louis Dumont avait permis à la ville de Bellegarde-sur-Valserine d'être la première ville électrifiée de France (La Roche-sur-Foron, située dans le département de la Haute-Savoie, sera, en toute vraisemblance, la deuxième en 1885).
Mais à cette époque, bien d'autres bourgades, sensibles aux articles publiés dans Le FIGARO s'intéresse de près à cette nouvelle technologie et s'apprête à tenter l'expérience.
On pourrait citer aussi le projet de Chateaulin, qui, utilisant la chute d’eau de l’écluse à Coatigrac’h, sera la première cité finistérienne à s’éclairer aux ampoules électriques, dès 1887.
On peut noter qu'un certain ingénieur électricien Ernest LAMY de Paris n'hésitait pas à parcourir la France et à proposer, en bon représentant de commerce, aux responsables et élus locaux d'effectuer des démonstrations d'éclairage urbain.
On le retrouvera même en 1889 à Saint-Hilaire-du-Harcouët petite commune française, située dans le département de la Manche, peuplée de moins de 4,000 habitants à l'époque, pour négocier un projet d'électrification d'assez forte puissance.
Difficile aussi de connaitre le nombre de pionniers, particuliers, artisants, meuniers, scieurs, forgerons, couteliers, qui se lancèrent à l'époque dans l'installation d'une dynamo, couplée à l'arbre d'une roue à aubes ou d'une micro-turbine pour allumer, le soir venu, quelques lampes de Monsieur EDISON.
Les grandes entreprises, équipées de puissantes machines à vapeur comme le textile du Nord ou en hydraulique telle la papeterie dans le Dauphiné commencent aussi à s'intéresser à des projets de taille industrielle.
N'est-ce pas dans cette région qu'en 1896, Aristide BERGES fondera la Société d'Eclairage Electrique du Grésivaudan qui alimentera Grenoble en électricité.
Le 18 janvier 1886, Lucien GAULARD de son côté, inaugure l’usine centrale de Tours où 250 chevaux de machines à vapeur entraînent 2 génératrices productrices de courant alternatif distribué sur longue distance.
N'oublions pas en effet que nous sommes en pleine période de débat des spécialistes entre courant alternatif (AC) et courant continu (CC) et que les principaux acteurs du progrès sont bien conscients des enjeux économiques liés aux choix techniques.
Les tensions seront mêmes tellement fortes entre électriciens que les membres de l'équipe AC (Alternating Current - sponsorisée par WESTINGHOUSE, TESLA et le malheureux GAULARD en France, défenseurs du courant alternatif), mécontents du trop de place laissé aux travaux de Deprez dans l'Exposition, iront jusqu'à la quitter pour se réunir en un Congrès international des électriciens autonomes et ainsi mieux guetter les défaillances éventuelles de l'équipe DC (Direct Current - sponsorisée par EDISON et DEPREZ en France, défenseurs du courant continu). Cette lutte est aussi sans doute à l'origine de la fin tragique, à seulement 38 ans, de Lucien GAULARD, inventeur du transformateur, dont les travaux ont été mis sous silence par les industriels de l'époque de l'équipe DC française.
A noter que l'Exposition internationale d'Électricité de Paris de 1881 propulsera Thomas Edison au rang de "symbole international de la modernité et du progrès social scientifique".
Les moteurs électriques dont le développement présente un enjeu stratégique important pour l'industrie dans sa globalité, ont une place importante et un pavillon entier consacré à la présentation des réalisations les plus récentes dans ce domaine leur est réservé.
Il ne faudrait pas oublier de parler aussi des parties réservées au téléphone qui resteront sans doute, pour un public moins technicien, une des attractions de cette exposition.
Ce nouveau moyen de communication à distance, présenté dès 1876 à l’exposition de Philadelphie mais encore jamais en France, avec entre autre les démonstrations de fonctionnement des matériels de messieurs Graham BELL et Emile BAUDOT aura un impact médiatique considérable.
La S.G.T, Société Générale des Téléphones créée en 1880 à Paris et qui avait été missionnée par le Ministère des Postes et Télégraphes pour la gestion du réseau téléphonique, la fabrication des cables et enfin la commercialisation des appareils de téléphonie était bien sûr présente à l'exposition. Elle avait à cette occasion reconstitué à l'intérieur du Palais de l'Industrie un bureau central desservant une trentaine de stations repérées par des numéros et réparties dans toutes les zones du bâtiment.
Pour diminuer les bruits ambiants, chaque poste téléphonique avait été installé dans une sorte de guérite en bois dont l'intérieur était capitonné sur toutes ses faces.
Le public put ainsi, pendant toute la durée de l'exposition, tester ce système de communication à distance tout nouvellement mis au point.
Il y avait foule parrait-il pour prendre place dans une de ces cabines capitonnées et tenir conversation avec un ami en poste à l'autre bout du palais.
Citons aussi le THEATROPHONE développé par Clément ADER (celui de la chauve-souris et du premier avion) qui permettait aux visiteurs d'écouter, en stéréophonie et en direct, les pièces de théatre données depuis l'Opéra de Paris.
Les chroniqueurs de l'époque écriront :
"C’est une foule qui se précipite tous les soirs dans les quatre salles destinées aux démonstrations du théatrophone. Il faut attendre souvent plusieurs heures avant d’entrer, par groupes de vingt, dans une salle dont les murs sont tapissés de tapis d’Orient et le sol recouvert d’un épais tapis. Là, chacun peut écouter pendant 5 minutes les airs qui se chantent ou se jouent à l’Opéra relié à la salle par une ligne traversant les égouts".
Monsieur Jacques Offenbach, célèbre compositeur français de l'époque, mort l'année précédant l'exposition, n'aura pas pu admirer cet appareil qui allait permettre la transmission d'oeuvres musicales dans des milliers de foyers parisiens.
A noter qu'en 1881, il n'y a que 2,000 abonnés en France au téléphone, alors qu'il y en avait déjà 35,000 aux Etats Unis. L'exposition de 1881 de Paris, va donner une essor important au développement de cette nouvelle technologie. Il faudra toutefois attendre les années 1900 pour que les experts s'accordent pour savoir si le téléphone est une mode passagère ou un réel outil de communication et pour que l'Administration des Télégraphes cesse de mettre un frein au développement de ce nouveau média.
Les derniers développement dans le domaine des piles et accumulateurs, source de courant encore très employée à l'époque ne seront pas oubliés dans les nombreux stands de l'exposition.
Cette exposition de 1881 ne voit toutefois pas énormément de propositions de nouveautés dans ce domaine.
Depuis l'invention de la pile par Monsieur Volta, au début du siècle, de nombreux chercheurs ont déjà proposé un très grand nombre de projet de piles.
Chacun sait que ces projets se regroupent en un nombre limité de familles identifiables par le type de réactions électro-chimiques mises en oeuvre pour produire du courant électrique.
Dans une même famille, les variantes proposées ont été souvent des modifications dans l'organisation et le dessin des différentes électrodes plus que des modifications du fonctionnement au sens électro-chimique.
Si certains types étaient d'ores et déjà en exploitation industrielle à l'époque de l'exposition, d'autres étaient restés dans les cartons, sans espoir sans doute d'en sortir un jour.
L'exposition de Paris aura permis quand même à un certain nombre de chercheurs de montrer des variantes des piles existantes ou des améliorations de design permettant de pallier des inconvenients connus, en particulier pour tous les aspects liés à la maintenance qui conduisaient, pour les "grands" utilisateurs (télégraphe, chemin de fer, ...) à des coûts importants.
L'exposition était aussi l'occasion pour les différents pays de faire un bilan des solutions retenues tant sur le plan des coûts que du traitement des aspects environnementaux (gestion des déchets, maintenance, cycle de vie, etc...).
Pour les usages télégraphiques par exemple, la France utilisait plutôt la pile de Callaud au sulfate de cuivre et des piles Leclanché, l'Allemagne la pile de Meidinger, les Etats-Unis des piles à électrodes frittées en carbone/bisulfure de Mo, mais l'Italie avait adopté la pile de Minotto qui bien que de la même famille des piles au sulfate de cuivre, comportait un électrolyte stabilisé dans du sable. En fin de vie, lorsque la pile avait fonctionné et devait être nettoyée, l'exploitant se retrouvait avec une boue abominable dans laquelle les composés chimiques cuivreux étaient irrécupérables. On peut imaginer que la quantité de déchets produit par des milliers de piles était énorme et posait un véritable problème de gestion. De plus, le manque à gagner sur la récupération du cuivre montra que ce type de pile n'était pas le mieux adapté à un usage généralisé et les italiens à l'image d'autres pays européens modifièrent leur parc de piles.
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Il y avait donc encore beaucoup à apprendre pour les "grands" utilisateurs de piles sur l'expériences des concurents étrangers compte tenu du nombre très important d'unités de chaque famille de piles en service dans le monde à l'époque.
En 1881, des dizaines de milliers de piles à électrolyte liquide sont en exploitation dans les centraux télégraphiques, les gares et stations de signalisation pour les trains, les théatres et les grands magasins, les installation de sécurité et les commandes des horloges électriques des mairies, églises et autres bâtiments publics. A l'époque de l'exposition de Paris 80,000 piles de type Leclanché étaient en service sur les télégraphes belges par exemple. En 1881, la pile Leclanché-Barbier, alors largement utilisée dans les télégraphes français, avait déjà été produite à près de 300,000 exemplaires dans l’usine française qui employait 50 ouvriers. A peu près à la même époque, six "facteurs pilistes" travaillaient tous les jours au Central télégraphique de PARIS, à nettoyer ces piles, refaire les niveaux de liquide dans les vases de verre, enlever les corrosions, surveiller les courts-circuits ; un travail sans doute assez ingrat, salissant et dangereux, nocif aussi pour la santé à cause des dégagements gazeux de certains types de piles et la manipulation de produits chimiques corrosifs et toxiques ! un enjeu économique important pour les entreprises grosses consommatrices de "courants faibles" comme on dit de nos jours.
En matière de toxicité, les piles de type Bunsen qui dégageaient des vapeurs nitreuses étaient sans doute les plus dangereuses. Pour protéger le personnel qui vivait à longueur de journée dans une ambiance très nocive (les salles de piles étaient en général aménagées dans des sous-sols mal ventilés), les responsables préconisaient de mettre sur les piles une soucoupe remplie d'amoniaque, liquide qui paraît-il, avait la propriété d'absorber les vapeurs rougeatres nitreuses !
On peut imaginer la performance du dispositif !
Que penser de ce "piliste" de l'Opéra de Paris, qui manipule, à main nue, une bombonne d'acide, accroupi entre des baquets d'eau sale et au milieu d'éléments de piles en cours d'entretien ?
Dans quel état devaient être ses poumons en fin de carrière ?
Dans le domaine des nouveautés, l'inventeur M. Rousse, présentait justement lors de l'exposition de Paris, une pile dérivée de la pile de Bunsen dans laquelle l'électrode en zinc était remplacée par une tôle en ferro-manganèse. Cet alliage était facile à acquérir car il était produit à l'époque de façon industrielle, pour d'autres applications, dans une usine sidérurgique à Terrenoire dans la Loire.
Le ferro-manganèse est entre autre utilisé comme désoxydant de la fonte dans l'élaboration de l'acier en complément avec du ferro-silicium. Il permet aussi l'élimination du soufre élément fragilisant de la fonte et des aciers au même titre que le phosphore. Son procédé de fabrication a été mis au point par le sidérurgiste français Alexandre Pourcel ( 1841–1929) qui travaillait, vers 1875, aux Forges de Terrenoire, banlieue de Saint-Etienne.
Monsieur ROUSSE mettait en avant l'avantage de sa pile qui, par un traitement chimique simple de l'électrolyte usé, ne laissait pas de résidus poluants et toxiques contrairement à la pile Bunsen.
Cette variante ne résolvait toutefois pas, malheureusement, les problèmes liés au dégagement de vapeurs nitreuses.
Cet exemple montre cependant que les préoccupations écologiques ne datent pas d'hier !!
Autre innovation présentée lors de l'exposition : les bouton-piles de M. SKRIVANOW. Des piles de toute petite taille faites pour être incorporées directement dans un bouton de sonnette de taille quasi normale ! Alors pourquoi ces bouton-piles sont-t-elles devenues de nos jours des piles-bouton ? Va-t-on savoir !
Dans le même domaine, M DESRUELLES présentait un allumoir de gaz électrique assez ingénieux dans lequel une résistance de platine était portée au rouge par une pile de petite taille de type Leclanché mais dont l'électrolyte était immobilisé au moyen d'amiante.
Le filament était monté au bout d'un manche assez long de façon à pouvoir allumer des becs de gaz placés en hauteur dans les appartements.
N'utilisons-nous pas de nos jours des appareils de ce type pour allumer nos BBQ ?
L'Administration des TELEGRAPHES SUISSES présentait de son côté les différents modèles de piles utilisées sur ses réseaux : piles de CALLAUD et de MEIDINGER utilisées en France, mais aussi une pile au chlorure de sodium (sel ordinaire) d'un emploi économique et peu polluant.
Se reporter à la page des piles pour plus de détails sur les différents types de produits commercialisés au siècle dernier.
Ce stand exposait aussi un certain nombre de dispositifs anti-foudre installés sur les lignes suisses et en particulier un parafoudre à 2 lames sans pointes relativement indestructible.
Avant de terminer cette page, on ne peut pas passer sous silence le rôle important joué par Hyppolite FONTAINE dans l'organisation de cette exposition exceptionnelle.
Ce brillant Ingénieur et Industriel, associé de Zénobe GRAMME, aura un rôle déterminant dans le succès de cette manifestation internationale en fédérant les actions des dirigeants des différentes sociétés d’électricité ou de construction d’appareils télégraphiques ou scientifiques ainsi que des nombreux inventeurs attirés par l’électricité.
En s’appuyant sur la jeune chambre syndicale des électriciens qu’il a fondée en 1879, il constitue pour les besoins de l'exposition internationale, un syndicat qui regroupe les divers exposants intéressés et il en assurera la présidence.
La force motrice sera fournie gratuitement aux exposants pour la part que chaque participant prendra à l’éclairage général et le syndicat sera rémunéré sur les entrées de la manifestation.
En 1910, au moment de son décès, Jules Carpentier (ingénieur français, constructeur et auteur de nombreuses inventions dans le domaine de l'optique, de la photographie, du cinéma et des premiers appareils de mesures électriques) déclarera au nom du Syndicat Professionnel des Industries Électriques que " si Georges Berger - commissaire général de l'exposition - fut le cerveau de l’exposition de 1881, Fontaine en fut l’âme ".
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