La station de radiotélégraphie était installée au Bouscat à 10 minutes de Bordeaux. Le Bouscat est une cité moyenne qui regroupe aujourd'hui près de 23.000 habitants. Longtemps village rural, la ville abritait jusqu'à il y a peu, beaucoup de vignerons et de tonneliers. La ville était autrefois entourée de bois qui ont laissé place à des vignes et à des zones industrielles. La station a été démontée depuis plusieurs années et son existance est aujourd'hui peu ou pas connue du public.
Une information rapportée d'un site internet consacré au Bouscat indique que les antennes de T.S.F. se dressaient chemin du Peseou dans le quartier Lafon Féline près de l'hippodrome. Ces antennes, auraient été démantelées au milieu des années 1960, mais la mémoire collective ne permet pas de confirmer avec certitude ces informations.
Le 22 juillet 1911, le journal « Le Temps » écrit un article, historiquement intéressant, sur la construction en cours au Bouscat près de Bordeaux, d’une station de T.S.F. (Télégraphie Sans Fil). Cette station devait à ce moment être prochainement mise en exploitation. A cette date, il existait déjà d’autres stations à Boulogne-sur-Mer, Ouessant, Porquerolles (depuis 1904), les Saintes-Maries-de-la-Mer près de Marseille et Fort-de-l'Eau près d'Alger dont les images sont présentes sur ce site.
Dans ce communiqué de presse, il est précisé que depuis le 15 mai 1910, 768 radiotélégrammes comportant un total de près de 100.000 mots avaient déjà été passés par les stations côtières françaises : Boulogne-sur-Mer 310 radiotélégrammes, Ouessant plus de 3000, Porquerolles 62, les Saintes-Maries-de-la-Mer 3082 et Fort-de-l'Eau 2230.
Les 15 et 16 août 1912, les journaux tels l'Humanité et La Lanterne donnaient eux aussi quelques informations, similaires ce qui attestent de l'intérêt du public pour la TSF naissante qui venait s'ajouter au téléphone et au télégramme terrestre déjà largement utilisé depuis le milieu du 19ième siècle. Mais rappelons nous que l'Angleterre avait la main mise sur la gestion du réseau télégraphique international via les cables sous-marins qui transitaient par Londres et desservaient en priorité la bourse de la City pour informer les traders de l'époque des évolutions des cours des produits en provenance des pays du Commonwealth ou d'autres colonies britaniques.
Le 10 août 1919, Monsieur Chaumet, alors sous-secrétaire d’État des postes et télégraphes en France, venait d'ouvrir officiellement au public et à l'économie locale de Bordeaux, la station côtière de télégraphie sans fil du Bouscat.
Cette station était connue sous l'indicatif FFX.
La création de cette station, réclamée par le commerce local, répondait à un besoin réel. Bordeaux était à cette époque, la tête de ligne de nombreux et importants services maritimes desservant notamment l'Amérique du Sud et la côte occidentale de l'Afrique.
Bordeaux importait des bois précieux, du café, des produits exotiques, du rhum, des alcools et exportait aussi ses vins dans des pays lointains.
Les paquebots qui assuraient les lignes maritimes ne pouvaient communiquer avec Bordeaux que par l'intermédiaire de stations étrangères ou de postes français assez éloignés.
N'oublions pas aussi que nous sommes à l'époque du naufrage du Titanic qui avait largement attiré l'attention des médias sur la sécurisation du transport maritime.
Pour Bordeaux, il y avait le plus grand intérêt au point en vue des transactions commerciales et de la rapidité des informations de toute nature à ce que les navires puissent, à leur départ et à leur arrivée, communiquer facilement et rapidement avec leur port d'attache.
C'est ce qu'avait bien compris M. Chaumet qui poursuivait méthodiquement la réalisation d'un programme tendant, d'une part à doter tous nos ports de stations de T.S.F et d'autre part à distribuer sur notre littoral côtier un nombre suffisant de stations de radiographie pour que nos navires qui se trouvaient à une distance de nos côtes jusqu'à 800 kilomètres, puissent toujours communiquer avec elles.
Il allait sans dire que cette portée n'était qu'un minimum et que, suivant les postes et les stations installées sur les navires ainsi que les conditions atmosphériques, il restait possible d'établir des communications à des distances beaucoup plus importantes.
A la veille de la première Guerre Mondiale, Le Bouscat était le sixième poste de l'Administration ouvert à la correspondance publique. Deux autres stations étaient en voie de construction, l'une au Havre (La Hève sans doute)et l'autre en Corse.
A la même époque un autre moyen de transport international prenait lui aussi naissance. Il s'agissait de l'aviation commerciale.
En 1919, un avion Farman Goliath type F60 effectue une première liaison de Toussus-le-Noble près de Versailles, à Dakar, avec un équipage limité à 8 membres d'équipage. Parti le 10 août 1919 vers minuit, il passe Rochefort, Ruffec à 500 mètres d’altitude dans une mer de nuages. A 3h30, la station du Bouscat reçoit le message : « Passons Bordeaux, toujours mer de nuages. Tout va bien.»
le jour même, un télégramme de Casablanca annonçait : « Goliath arrivé sans incident à 18h 30min.»
On note bien sur l'image ci-dessus que l'orthodromie de PARIS à DAKAR passe pratiquement au dessus du Bouscat ce qui a permis au Farman de préciser ses conditions de vol malgré un temps très nuageux qui le rendait invisible du sol.
Bien plus tard, en 1929, un autre succès aéronautique important est annoncé dans la presse : Le journal « Le Temps » du 14 juillet parle de 2 pionniers célèbres de l'aviation Dieudonné Costes et Maurice Bellonte.
Reliant SANTANDER au BOURGET, ils passent la station du Bouscat à 9h30. Le trajet de 770 km est effectué en 4h 5min.
La station radio était bien à cette date encore opérationnelle avec des évolutions techniques sans doute au niveau du matériel et de l'antenne comme on peut le voir sur les images plus loin dans le texte.
L'année suivante, les deux pionniers vont accomplir un nouvel exploit en traversant l’océan Atlantique, munis seulement d’une radio pour rester en contact avec la terre.
le 30 août 1930, vers 13h15, leur avion un Breguet XIX nommé Point d’interrogation passe au-dessus des côtes anglaises puis irlandaises. Après une nuit difficile avec beaucoup de perturbations le temps s’améliore au matin du 1er septembre. L’avion passe la baie d'Halifax à 10 heures. Il commence alors la descente vers les Etats-Unis. A 23h18, il se pose à Curtiss Fielf l'aérodrome de New York.
Cet exploit sera ressenti comme une réhabilitation de l’aviation française après la première traversée de l’Atlantique par Lindbergh qui avait été mal vécue par l'industrie aéronautique nationale au sortir de la première guerre mondiale.
En 1923, au cours d’une tempête, le journal «Le Gaulois» du 04 mars, rapporte que le poste de T.S.F. du Bouscat a reçu un S.O.S. du steamer Lady Kirk en perdition à 8 milles au large de Penhoët.
Pour mémoire, Le Gaulois était un journal littéraire et politique français fondé en 1868 par Henry de Pène et Edmond Tarbé des Sablons. Devenu la propriété du patron de presse Arthur Meyer, il sera publié jusqu’en 1929 avant d’être fusionné avec le Figaro.
En 1925, le journal «La Lanterne» du 07 décembre indique que le poste de T.S.F. du Bouscat a reçu un message indiquant que le vapeur italien Palateno est signalé en détresse depuis la veille, le 6 décembre à 22 heures, par 14°16'40" de latitude Nord et 14°30'6" de longitude Est.
Le 24 décembre 1927, selon «l'Humanité», le journal relate un nouveau signal de détresse en provenance du navire portugais Silva Conveia. Ce paquebot s'est échoué sur la côte espagnole au sud de Finistère par 42°55 de latitude Nord et 9°5 de longitude Ouest. Un bateau de sauvetage est parti pour lui porter assistance.
Voilà quelques exemples qui attestent de l'intérêt des investissements consentis au début du 20ième siècle pour mettre la TSF au service de la sécurisation des transports internationaux maritimes et aériens.
N'oublions pas de rappeler que la fonction première des premières stations de radio était la transmission des télégrammes vers des destinations lointaines et en particulier à cette époque vers nos colonies ou protectorats, vers la polynésie et nos terres australes injoignables par le télégraphe/téléphone.
Les messages radio étaient transmis en Morse, en langage clair ou codés pour des besoins de confidencialité et donc hors de la portée du public.
Il faudra attendre les années 1930 pour voir naître la radiophonie.
D'un point de vue historique, il est aujourd'hui assez difficile de trouver des informations précises sur ces installations et sur leur gestion qui était connues uniquement par un club restreint de spécialistes, savants et ingénieurs soumis à des obligations de réserve voire de secret-défense.
N'oublions pas non plus que ces stations ont joué un rôle important pendant la première guerre mondiale en particulier celles installées au sud de la France, loin du front et des zones de combats.
On peut citer à titre d'exemple la station de Lyon-La-Doua et celle de Bordeaux-Lafayette implanté près d'Arcachon.
Sources :
Les textes ci-dessus sont repris de la source suivante : http://gallica.bnf.fr / Bibliothèque nationale de France.
Les informations sur l'avion Farman : Tables de " L'Aéronautique ANNÉE 1919 " - Library of the Massachusetts Institute of Technology.
Un grand merci à M. Christian Wettervald qui m'a apporté bien des informations pour enrichir cette page.